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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 139

Le mardi 19 septembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 19 septembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation des nouveaux sénateurs aujourd’hui.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Nouveaux sénateurs

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que le greffier du Sénat a reçu du registraire général du Canada des certificats établissant que les personnes suivantes ont été appelées au Sénat :

Judy White

Paul Prosper

[Français]

Présentation

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que des sénateurs attendent à la porte pour être présentés.

Les honorables sénateurs suivants sont présentés, puis remettent les brefs de Sa Majesté les appelant au Sénat. Les sénateurs, en présence du greffier du Sénat, font la déclaration solennelle et prennent leur siège.

L’honorable Judy A. White, de St. George’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, présentée par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Michèle Audette.

(1410)

L’honorable Paul J. Prosper, de Hants County, en Nouvelle-Écosse, présenté par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Mary Coyle.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que chacun des honorables sénateurs susmentionnés a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d’attester cette déclaration.

Félicitations à l’occasion de leur nomination

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’aimerais accueillir nos plus récents sénateurs, en commençant par la sénatrice Judy White, qui est une Mi’kmaq de la bande de Flat Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est titulaire d’un baccalauréat en droit avec spécialisation en droit autochtone de l’École de droit Schulich de l’Université Dalhousie. Elle a également complété le programme intensif sur les terres, les ressources et la gouvernance autochtones de la Osgoode Hall Law School, le programme de certification Leading People and Investing to Build Sustainable Communities de la Harvard Business School, et le programme de directeur agréé de l’Université McMaster.

La sénatrice White a une grande expérience des conseils d’administration et de la gouvernance, car elle a occupé diverses fonctions au sein de nombreux organismes.

[Français]

Elle a été vice-ministre adjointe des Affaires autochtones et de la Réconciliation au sein du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et, dans le cadre d’un accord d’échange, a été directrice de la mobilisation pour la législation fondée sur les distinctions au sein du gouvernement du Canada.

[Traduction]

Elle a été présidente de la Commission des droits de la personne de Terre-Neuve-et-Labrador, présidente de la Commission d’arbitrage des Inuvialuit et coprésidente autochtone de la section Terre-Neuve-et-Labrador de l’organisme À voix égales. Cet organisme rassemble des hommes et des femmes dans le but d’élire et de soutenir des femmes à tous les échelons politiques.

(1420)

[Français]

La sénatrice White a reçu le Prix du Gouverneur général 2022 en commémoration de l’affaire « personne » pour avoir fait progresser l’égalité des sexes. Plus important encore, la sénatrice White est une fière grand-mère.

[Traduction]

Sénatrice, le Sénat est très chanceux de bénéficier de vos connaissances et de votre expérience. Au nom du bureau du représentant du gouvernement, le BRG, c’est avec joie que je vous souhaite la bienvenue.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Honorables sénateurs, j’ai aussi le plaisir d’accueillir au Sénat, au nom du Bureau du représentant du gouvernement, le BRG, le sénateur Paul Prosper de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Prosper a été chef régional de l’Assemblée des Premières Nations; il a ainsi représenté les intérêts des chefs mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse après avoir été chef de la Nation des Mi’kmaqs de Paqtnkek de 2013 à 2020. C’est un fier diplômé de l’initiative pour les étudiants autochtones, noirs et mi’kmaqs de l’École de droit Schulich de l’Université Dalhousie. En 2020, il a été nommé membre de la Bertha Wilson Honour Society de l’École de droit Schulich en reconnaissance des services exceptionnels qu’il a rendus au milieu juridique et à sa communauté.

[Français]

Le sénateur Prosper possède une vaste expérience des questions juridiques relatives aux Autochtones, qu’il s’agisse de recherche, de contentieux ou de négociation. Il s’est principalement consacré à la défense des droits des Mi’kmaqs. Il a enseigné à l’Université du Cap-Breton l’histoire des Mi’kmaqs, les droits ancestraux et les droits issus des traités, ainsi que la gouvernance des Mi’kmaqs. Au fil des ans, il a travaillé pour plusieurs organisations Mi’kmaqs dans des domaines tels que l’histoire orale, les études sur l’utilisation et l’occupation des terres par les Mi’kmaqs, la recherche sur les revendications, la citoyenneté, la consultation, la gouvernance des Premières Nations, la justice, le développement communautaire et l’appartenance à une nation.

[Traduction]

Sénateur, vos antécédents et votre expérience apporteront beaucoup au Sénat du Canada. Nous avons tous hâte de travailler avec vous et de profiter de votre vaste expérience.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom de l’opposition et du caucus conservateur au Sénat, j’ai le plaisir d’accueillir dans cette enceinte nos nouveaux collègues, en l’occurrence l’honorable Paul Prosper de la Nouvelle-Écosse et l’honorable Judy White de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis vraiment ravie de vous accueillir tous les deux très chaleureusement au Sénat du Canada.

Sénateur Prosper, en tant qu’avocat mi’kmaq possédant plus de 25 ans d’expérience dans le domaine des questions juridiques autochtones ainsi qu’ancien chef de la Nation des Mi’kmaqs de Paqtnkek (Afton Station), je suis persuadée que vos connaissances et votre expertise vous permettront de fournir un apport précieux au Sénat et à ses comités. À titre de sénateur représentant la Nouvelle-Écosse, vous pourrez continuer de défendre les droits et de faire preuve de leadership.

Sénatrice White, en tant que conseillère du roi et avocate possédant de l’expérience dans les domaines des droits de la personne et de la gouvernance autochtone, ainsi qu’ancienne sous‑ministre adjointe au ministère des Affaires autochtones et de la Réconciliation du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, je suis certaine que vos connaissances et votre expérience se révéleront fort utiles dans votre travail de sénatrice. Les efforts que vous avez consentis pour faire avancer l’égalité desassurer que tous les citoyens ont une voix égale s’inscrivent dans le droit fil de notre rôle e sénateurs puisque nous devons être les porte-parole de ceux dont la voix n’est pas entendue.

Les Canadiens se tournent de plus en plus vers le Sénat non seulement pour qu’il exerce un second examen objectif et qu’il fasse preuve de diligence raisonnable, mais aussi pour qu’il leur donne de l’espoir — l’espoir que leurs voix soient entendues et que les problèmes d’abordabilité auxquels ils font face soient une priorité pour tous les parlementaires. Les Canadiens des quatre coins de notre magnifique pays ont besoin d’être rassurés en ce moment. Ils ont besoin de voir qu’on fait preuve de bon sens à Ottawa. Ils doivent avoir la certitude que les parlementaires exercent leur devoir et défendent les intérêts de la population.

Sénatrice White et sénateur Prosper, soyez assurés que les conservateurs ont hâte de collaborer avec vous pour améliorer la vie des Canadiens. Au nom de l’opposition et du caucus conservateur, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je suis ravie de me joindre à mes collègues pour souhaiter une chaleureuse bienvenue aux deux nouveaux sénateurs, l’honorable Paul Prosper et l’honorable Judy A. White.

En cette période où nous marchons ensemble vers un avenir commun plus juste et équitable et où nous partageons plusieurs défis, je ne peux que me réjouir de la nomination de deux autres éminents collègues autochtones.

[Traduction]

La sénatrice White et le sénateur Prosper sont d’éminents avocats qui se dévouent à la justice sociale et qui ont défendu les droits de personnes et de groupes qui ont trop souvent été négligés. Leur détermination à faire entendre la voix des marginaux concorde parfaitement avec les valeurs que nous chérissons dans cette enceinte.

Sénateur Prosper, vous avez consacré votre vie à servir votre communauté de la nation mi’kmaq. En tant qu’avocat, vous avez fourni un soutien juridique en matière de droits issus de traités et avez enseigné la gouvernance des Mi’kmaqs ainsi que les droits ancestraux et issus de traités à l’Université Cape Breton. Après avoir été élu chef régional, vous avez déclaré en entrevue qu’il s’agissait d’une victoire douce-amère. Vous étiez certes ravi d’avoir gagné la confiance des autres leaders qui avaient voté pour vous, mais accepter ce nouveau poste nécessitait de renoncer à votre rôle de chef de file au sein de votre propre communauté. Mon intuition me dit que vous ressentez peut-être la même chose au sujet de votre nomination au Sénat.

Sénatrice White, votre parcours témoigne du pouvoir de la persévérance, de l’empathie et de l’engagement à avoir une incidence positive. Tandis que vous prenez votre place au Sénat, sachez que vous pourrez continuer d’honorer votre passion pour le service public et votre détermination à créer une société juste et équitable. Votre dévouement au service de la population de Terre‑Neuve-et-Labrador se manifeste dans tous les aspects de votre carrière. Depuis votre travail pour réclamer la justice et l’égalité jusqu’à vos efforts en vue d’autonomiser les communautés marginalisées, votre ferme engagement à rendre la société meilleure brille de mille feux.

Même s’il est vrai que vous serez tous deux appelés à passer plus de temps à Ottawa, loin de votre collectivité et de votre famille, gardez à l’esprit que le travail que vous ferez aura une incidence directe sur elles ainsi que sur tous les Canadiens, et que vous avez l’honneur d’être ici pour les représenter.

Ensemble, nous sommes sur le point d’assister à un véritable changement, et votre présence parmi nous viendra approfondir les conversations que nous tiendrons et les décisions que nous prendrons. Votre expérience nous aidera à mieux comprendre les défis auxquels doivent faire face les gens de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve-et-Labrador et d’ailleurs. De plus, vos contributions aideront à façonner des politiques qui reflètent les besoins de notre population diversifiée.

Alors que nous accueillons deux nouveaux collègues, nous reconnaissons la responsabilité qui accompagne le poste que nous occupons tous. Le Sénat du Canada est un lieu où des perspectives diverses se rejoignent pour élaborer des lois qui ont un impact sur la vie de tous les Canadiens.

Honorable sénateur Prosper et honorable sénatrice White, en mon nom et au nom de tous vos collègues du Groupe des sénateurs indépendants, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues au Sénat du Canada. Merci, meegwetch, wela’lin.

Des voix : Bravo!

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, c’est avec un grand plaisir que nous accueillons deux nouveaux sénateurs dans cette enceinte : les sénateurs Prosper et White.

Tout d’abord, il y a le sénateur Prosper, qui est un avocat mi’kmaq possédant une vaste expérience dans le domaine du droit autochtone. Il a été chef, chef régional et, surtout, professeur. En effet, il a enseigné la gouvernance et les droits issus des traités à l’Université Cape Breton. Partager le savoir et la sagesse est un noble talent et une grande responsabilité.

Sénateur Prosper, votre nomination à cette Chambre a été très bien reçue. Le chef actuel de la nation de Paqtnkek, Cory Jullian, a déclaré que vous êtes un modèle pour votre communauté et que celle-ci est fière de vous voir assumer ces nouvelles fonctions. Les éloges ont été entendus partout au Canada et la grande cheffe Cathy Merrick de l’Assemblée des chefs du Manitoba a ajouté :

La nomination du chef régional Prosper au Sénat témoigne de son leadership remarquable et de son engagement inébranlable à la défense des droits des peuples des Premières Nations de l’Île de la Tortue.

(1430)

Ces commentaires rendent hommage à l’effet que vous avez eu sur votre communauté et nous espérons que vous aurez le même effet ici.

Nous souhaitons également la bienvenue à la sénatrice White. Le Sénat bénéficiera grandement de l’expérience que vous avez acquise au sein du gouvernement et de la Commission des droits de la personne de Terre-Neuve-et-Labrador en tant qu’avocate du conseil du roi spécialisée dans les droits de la personne et la gouvernance autochtone.

C’est avec grand intérêt que j’ai lu l’article paru dans iPolitics au sujet de votre nomination, ainsi que de votre volonté de changer le visage du Sénat et de devenir la voix des Autochtones, des minorités visibles et des femmes. Je pense que le défi que vous vous êtes lancé dans cette entrevue est à la fois noble et honorable et je suis convaincu que vous le relèverez avec succès. Vous avez dit qu’il ne vous restait que 15 ans pour laisser votre marque. Vous n’avez pas intérêt à perdre un instant, car le temps passe très vite en politique.

Sénateur Prosper et sénatrice White, vos expériences professionnelles et personnelles sont les bienvenues et nécessaires au Sénat. En ma qualité de collègue au service de tout le Canada et au nom du Groupe des sénateurs canadiens, je vous souhaite la bienvenue au Sénat et mes collègues ont hâte de travailler avec vous.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, c’est un plaisir d’être de retour parmi vous tous, d’autant plus que nous assistons à une autre cérémonie d’assermentation. Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je suis ravie de me joindre aux autres leaders pour souhaiter la bienvenue à nos nouveaux sénateurs : le sénateur Paul Prosper — mieux connu sous le nom de PJ — de la Nouvelle-Écosse et la sénatrice Judy White de Terre-Neuve-et-Labrador.

En tant qu’ancienne enseignante, il m’est difficile de résister à mes racines d’enseignante, et le mois de septembre me fera toujours penser à la rentrée scolaire, une période où nous sommes libres de prendre un nouveau départ. Nous ne commençons peut-être pas une nouvelle session, mais j’ai quand même l’impression que c’est une occasion de prendre un moment pour réfléchir à ce que nous avons accompli et à ce que nous comptons accomplir.

Ces cérémonies d’assermentation nous rappellent inévitablement nos premiers jours et ce que nous avons ressenti devant la richesse des possibilités s’offrant à nous. Il est certes intimidant d’être les petits nouveaux de la classe, mais je veux faire écho aux autres leaders et vous dire à tous deux, sénateur Prosper et sénatrice White, que nous sommes tous impatients d’entendre vos contributions à nos débats ici, au Sénat.

Vous avez tous les deux parlé de l’importance de la représentation. Par exemple, voir le sénateur Christmas devenir le premier sénateur mi’kmaq vous a inspiré, je le sais, sénateur Prosper, et votre nomination sera maintenant une source d’inspiration pour d’autres jeunes Mi’kmaqs.

Sénatrice White, vous avez dit que la représentation est un moyen de changer les choses de l’intérieur et de « [...] faire en sorte que le colonialisme soit une chose du passé [...] »

Or, nous voilà aujourd’hui avec non pas un, mais deux avocats mi’kmaqs qui prennent place au Sénat. Je vous souhaite à tous les deux la bienvenue de l’autre côté du processus législatif fédéral.

Nous avons pris connaissance de vos impressionnants curriculum vitæ et des distinctions que vous avez reçues, qui témoignent du parcours qui a fait de vous les personnes que vous êtes aujourd’hui. Il est temps pour vous deux de tirer parti de ces expériences et de cette sagesse et de tracer de nouveaux chemins alors que vous vous taillez une place ici.

Comme à l’école, vous pourrez faire partie de différentes classes. Au Sénat, nous les appelons « comités », et vous serez peut-être surpris de découvrir que nous finissons parfois par travailler sur des dossiers que nous n’avions même pas envisagés auparavant. Je vous encourage tous les deux à garder l’esprit ouvert pendant que vous démystifiez vos fonctions ici.

Le fait d’avoir un groupe de sénateurs aussi varié sert bien les Canadiens, mais il est crucial que nous continuions à chercher et à écouter les voix qui manquent encore. Nos comités nous y aident. En outre, comme nous l’avons vu avec certains sénateurs, notamment le sénateur Prosper, certaines de ces voix importantes passent du statut de témoin à celui de membre d’un comité sénatorial.

Il y a moins de 10 ans, aucune voix mi’kmaq ne s’élevait dans cette enceinte. Aujourd’hui, trois provinces ont chacune un sénateur mi’kmaq, dont la première femme : la sénatrice White. Le changement a été lent à s’amorcer, mais je suis ravie de voir à quelle vitesse il s’opère.

Au nom de mes collègues du Groupe progressiste du Sénat — et avec l’aide de notre président de caucus, le sénateur Francis, pour la prononciation —, j’ai le plaisir, sénatrice White et sénateur Prosper, de vous souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada. Pjila’si. Merci.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Gordon et Nelson White, les frères du sénateur White, de Mme Dinnetia Bennett, sa sœur, et de Kendall et Bethany Butler, ses nièces. Ils sont accompagnés du chef Misel Joe et d’autres invités du sénateur White.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Antoinette Karuna, la conjointe du sénateur Prosper, de Kerry Prosper, son frère, et de Norma Jean Prosper, sa sœur. Ils sont accompagnés d’autres invités du sénateur Prosper.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de l’honorable Hugh Segal, C.M.

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, en tant qu’ancienne collègue et amie de l’honorable Hugh Segal, j’ai à la fois le grand privilège et l’immense tristesse de lui rendre hommage aujourd’hui.

Notre amitié a débuté au petit matin, il y a une quarantaine d’années, dans les studios feutrés d’un réseau national de télévision. Chaque jeudi matin, nous étions réunis pour l’émission Canada AM. Aux quatre coins du pays, qu’importe leurs allégeances politiques, les gens aimaient Hugh pour sa vive intelligence politique, ses analyses précises et sa grande générosité. Comme l’a dit son ami, le libéral Tom Axworthy, on sortait toujours d’une rencontre avec lui le sourire aux lèvres et le cœur rempli d’espoir.

Bill Fox, l’un de ses amis conservateurs de longue date, disait aussi que :

[L]lorsque s’élevait un débat ou qu’il y avait des désaccords, Hugh y voyait toujours l’occasion d’amorcer une discussion, à la recherche d’un compromis.

Pour lui, le gouvernement devait délivrer les gens de la misère et de la peur, et c’est la raison pour laquelle il se battait pour le revenu de base garanti.

Comme il adhérait à la vision conservatrice de la nation et de l’entreprise, pour lui, la bonne gouvernance se situait au carrefour de la liberté de marché et de l’intérêt général.

Il déplorait le recul de la civilité et s’inquiétait des politiciens et des médias qui se font « marchands de polarisation », comme il le disait, et qui étouffent l’espoir et l’optimisme.

Hugh étudiait l’histoire, croyait au Commonwealth et à la monarchie, et surtout aux hommes et aux femmes des forces armées, dont les sacrifices ont permis de gagner et de préserver nos libertés.

Winston Churchill, que Hugh admirait, a dit un jour : « La peur est une réaction. Le courage est une décision. »

Hugh a mené une vie courageuse, avec des débuts très modestes : il avait un fort sens de la générosité, acquis auprès d’une mère qui a donné son bien le plus précieux — une simple boîte en bois — à une voisine pour alimenter le feu qui allait lui permettre de garder son enfant au chaud.

Hugh a toujours encouragé les négligés — non pas parce qu’ils l’étaient, mais pour la raison pour laquelle ils l’étaient.

Aujourd’hui, mes pensées se tournent vers la bataille la plus passionnée qu’il a menée dans cette enceinte. Il a donné une voix à ceux d’entre nous qui avaient été réduits au silence. Il a plaidé auprès des leaders de son parti pour qu’ils n’expulsent pas trois sénateurs sans respect des procédures, et il l’a fait non pas parce qu’il était mon ami — bien qu’il l’était certainement —, mais parce qu’il croyait dans les droits fondamentaux.

(1440)

Dans son discours de départ à la retraite, il avait rappelé aux sénateurs la nature de leur rôle. Je le cite :

[...] par-dessus tout, que le Sénat défende l’importance centrale et incontestable de la primauté du droit, de l’application régulière de la loi et de la présomption d’innocence, ces pierres angulaires de notre mode de vie démocratique, peu importe ce que les forces obscures [...] pourraient chercher à nous dicter ou à nous imposer.

Hugh croyait non seulement à la primauté du droit, mais à la justice. Il a été l’incarnation même du service public, en plus d’être un citoyen engagé et l’heureux guerrier des causes qui lui tenaient le plus à cœur. J’estime qu’il n’y avait pas meilleur être humain que lui et je me console en sachant que son influence vivra encore longtemps dans le cœur de tous ceux qui ont eu le privilège d’être dans son cercle d’amis.

Des voix : Bravo!

Le conflit en Artsakh

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd et avec un profond sentiment d’urgence que je prends la parole aujourd’hui au sujet de la situation militaire alarmante en Artsakh.

Plus tôt dans la journée, l’Azerbaïdjan a lancé des opérations militaires de grande envergure contre l’Artsakh, visant la capitale Stepanakert et d’autres localités civiles, causant des destructions massives et des victimes civiles. Les attaques actuelles de l’Azerbaïdjan sont très préoccupantes et requièrent une attention et une action immédiates de la part de la communauté internationale.

Il est évident que l’agression à grande échelle de l’Azerbaïdjan vise à procéder au nettoyage ethnique des 120 000 habitants arméniens de l’Artsakh. Le bombardement de zones civiles n’est pas seulement une violation du droit international, mais aussi une indication claire d’une catastrophe génocidaire potentielle. La situation sur le terrain est alarmante et il est impératif que le Canada, en tant que pays engagé dans la défense des droits de la personne et la promotion de la paix, prenne position contre une telle agression.

Chers collègues, j’espère que vous vous joindrez à moi pour exhorter la ministre Joly à prendre des mesures immédiates afin d’aborder cette question urgente et de contribuer à une résolution pacifique, et pour demander au gouvernement canadien de condamner fermement et sans équivoque les actions militaires de l’Azerbaïdjan, à l’instar des déclarations publiées aujourd’hui par le ministère français des Affaires étrangères, le ministère allemand des Affaires étrangères et le Service européen pour l’action extérieure.

Par ailleurs, il est impératif que le Canada considère la possibilité d’imposer des sanctions ciblées à des personnes et des entités responsables de l’agression en Artsakh. De telles sanctions indiqueront de façon claire et sans équivoque que le Canada s’oppose fermement aux violations du droit international et des droits de la personne. Outre ces mesures, le Canada devrait s’employer activement à déployer des efforts diplomatiques et à collaborer avec des alliés étrangers afin d’exercer des pressions sur l’Azerbaïdjan, l’objectif premier étant d’établir rapidement un cessez-le-feu par voie de dialogue et de négociation. De plus, le Canada devrait offrir de l’aide humanitaire aux populations affectées de l’Artsakh pour alléger leurs souffrances et répondre à leurs besoins fondamentaux.

La vie d’innombrables innocents civils est en jeu, et le Canada doit faire preuve de leadership en condamnant ces gestes et en s’efforçant de trouver la solution pacifique dont on a désespérément besoin. Le Canada doit se tenir du bon côté de l’histoire. Merci, chers collègues.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Evelyn Ross, la femme du sénateur D. Patterson, de Bruce Uviluq, de Patricia Ross, de Jacques Faille et de Rod Pelton.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les incendies de forêt dans les Territoires du Nord-Ouest

L’honorable Margaret Dawn Anderson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la dévastation sans précédent qui a frappé les Territoires du Nord-Ouest — les 292 incendies de forêt qui ont ravagé nos collectivités et nos terres cette année. Pour donner une idée de l’ampleur de ce désastre, ces incendies de forêt ont relâché 97 mégatonnes de carbone dans l’atmosphère cette année, soit 277 fois plus que les émissions attribuables aux activités humaines sur le territoire en 2021.

La force motrice de ces incendies de forêt a été la combinaison extraordinaire de périodes prolongées de chaleur étouffante et de temps sec : un signe clair et indiscutable des effets des changements climatiques. Les incendies de forêt ont entraîné l’évacuation de huit localités : Hay River, la Première Nation des K’átł’odeeche, Behchoko, Sambaa K’e, Fort Smith, Jean Marie River, Kakisa et Enterprise.

Le 16 août, l’avis d’évacuation a été étendu pour inclure la capitale, Yellowknife, ainsi que N’dilo, la route Ingraham Trail et Dettah; 22 000 habitants supplémentaires ont ainsi été déplacés. Il n’y a qu’une seule route pour se rendre à Yellowknife et en sortir.

Les incendies de forêt ont rapidement mis en lumière les disparités en matière d’infrastructures et de services qui existent dans le Nord. Les plaidoyers et les demandes envers le gouvernement fédéral pour construire des infrastructures dans le Nord n’ont rien de nouveau. La première ministre des Territoires du Nord-Ouest, Caroline Cochrane, a dit ce qui suit :

À qui revient la faute lorsque nous ne pouvons pas évacuer les gens parce que nous n’avons pas les infrastructures de base que tous les autres Canadiens tiennent pour acquises?

Aujourd’hui, les incendies de forêt dans les Territoires du Nord-Ouest ont brûlé plus de 3,5 millions d’hectares. Parmi les maisons et les édifices rasés par les flammes, on compte plus d’une dizaine d’édifices de la Première Nation K’átł’odeeche et le bureau du conseil de bande; 19 édifices à Behchoko ou le long de la route 3 à l’est de la collectivité; des chalets à l’extérieur de Tulita; des chalets près de Duncan Lake; approximativement 90 % des maisons et des édifices à Enterprise; des propriétés à Paradise Gardens et le secteur du chemin Patterson au sud de Hay River; deux chalets et une caravane de tourisme en périphérie ouest de Hay River. Une maison à Sambaa K’e a également brûlée lors d’une tentative d’allumage qui a mal tourné.

Malheureusement, à cause des dispositions du projet de loi C-18 sur la publication des nouvelles sur les réseaux sociaux, une dure bataille oppose le gouvernement du Canada à Facebook et Instagram qui ont bloqué les nouvelles canadiennes. Or, les Territoires du Nord-Ouest et les autres territoires canadiens comptaient énormément sur ces sources d’information. À une époque où on compte sur les médias sociaux, il est absolument vital pour nous, habitants du Nord, de pouvoir publier des nouvelles sur ces plateformes en cas d’urgence et que le gouvernement permette et soutienne ces communications.

Je remercie tous ceux qui nous sont venus en aide durant cette situation de crise, y compris les gens de la région, du Canada et de l’étranger; ce sont des héros. J’offre mes plus sincères condoléances à la famille d’Adam Yeadon, un jeune pompier de 25 ans membre de la bande Acho Dene Koe, qui a tragiquement perdu la vie à Fort Liard. Il s’est comporté en véritable héros.

Chers collègues, alors que le Sénat reprend ses travaux, je vous exhorte à veiller à ce que lors des débats dans cette enceinte, notamment sur les mesures législatives, nous continuions à prendre en compte les réalités auxquelles sont confrontés les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon et que nous contribuions à réduire l’iniquité et les inégalités que subissent ces territoires. Quyanainni. Mahsi’cho. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants de la direction de l’Ismaili Council for Northeast Ontario. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès de Mahsa Amini

Le premier anniversaire de son décès

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Samedi, nous avons marché dans les rues de Montréal pour souligner le premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini aux mains de ses tortionnaires en Iran. Les Montréalais étaient unis pour scander qu’il ne faut pas oublier la répression brutale de la révolution féministe en Iran. Le régime islamiste a tout fait pour étouffer les tentatives de commémoration samedi en Iran. À vrai dire, il n’y a pratiquement plus de manifestations là-bas, sauf de petits groupes de femmes courageuses, sans voile, qui dansent et qui chantent dans la rue quelques minutes avant de retourner se cacher.

De l’intérieur des prisons qui débordent nous parviennent des supplications pour que nous, le Canada et les autres pays démocratiques, augmentions la pression sur ce régime de fer qui viole sans vergogne les droits de la personne. De la prison d’Evin, Narges Mohammadi, une des militantes les plus en vue et les plus courageuses d’Iran, a fait parvenir ce message à la diaspora iranienne à l’occasion de la projection de son documentaire-choc La torture blanche à Montréal.

Voici un extrait de l’appel de Narges :

Pendant 44 ans de règne théocratique oppressif en Iran, le peuple a utilisé toutes les opportunités pour réaliser la démocratie, la liberté et l’égalité. Le régime a répondu par la répression, le massacre, les tortures en prison et les exécutions. Le mouvement Femme, vie, liberté, dirigé par les femmes, a émergé et a fait reculer le régime en le confrontant directement et en sapant ses fondements. La rue, avec la présence des femmes sans voile, signifie une opposition explicite au régime, créant ainsi une scène de pouvoir pour les gens. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout du mouvement révolutionnaire et nous résisterons dans cette voie. Pour cela, nous avons besoin du soutien ferme de la communauté internationale.

Elle demande aux gouvernements occidentaux de faire des droits de l’homme une condition préalable à toute négociation. Sans cela, c’est une trahison envers les aspirations du peuple iranien.

(1450)

En terminant, je vous remercie sincèrement. Et c’est avec un cœur rempli d’espoir, d’amour et de vie que je vous assure de ma détermination à lutter pour la démocratie, la liberté et l’égalité. Je reste persuadée qu’un jour vous entendrez la voix de notre victoire jusqu’à chez vous.

Que pouvons-nous faire, concrètement, pour que ce peuple ne perde pas espoir? Le Canada a annoncé des sanctions contre plus de 400 individus et entités liés aux violations des droits de la personne en Iran. Il faut maintenant aller plus loin pour punir ces complices du régime, notamment en saisissant leurs avoirs. La ministre Mélanie Joly a promis samedi aux manifestants d’augmenter la pression sur le régime de Téhéran. Utilisons également notre voix dans cette Chambre pour que nos sœurs iraniennes ne tombent pas dans l’oubli.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Bruce Deacon, le mari de la sénatrice M. Deacon.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Marco et Cristina Luciani Castiglia. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Loffreda.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L’étude sur les questions relatives aux banques, au commerce et à l’économie en général

Cinquième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie—Dépôt de la réponse du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au cinquième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, intitulé L’état de l’économie canadienne et l’inflation, déposé au Sénat le 15 février 2023.

(Conformément à l’article 12-23(4) du Règlement, cette réponse et le rapport initial sont renvoyés d’office au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.)

Le conseiller sénatorial en éthique

Dépôt d’un rapport d’enquête

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, j’informe le Sénat que, conformément au paragraphe 48(18) du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, un rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique concernant le sénateur Michael L. MacDonald a été déposé auprès du greffier du Sénat le 18 juillet 2023.

L’étude sur les questions concernant la sécurité et la défense dans l’Arctique

Dépôt du sixième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 10 février 2022 et le 1er juin 2023, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a déposé auprès du greffier du Sénat, le 28 juin 2023, son sixième rapport intitulé La sécurité de l’Arctique menacée : Des besoins urgents dans un paysage géopolitique et environnemental en évolution. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Dean, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

L’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis

Dépôt du quatorzième rapport du Comité des peuples autochtones auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 3 mars 2022 et le 7 juin 2023, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a déposé auprès du greffier du Sénat, le 19 juillet 2023, son quatorzième rapport (provisoire) intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Francis, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Première lecture

L’honorable Jim Quinn dépose le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Quinn, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi sur la Journée nationale de Thanadelthur

Première lecture

L’honorable Mary Jane McCallum dépose le projet de loi S-274, Loi instituant la Journée nationale de Thanadelthur.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice McCallum, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

Audit et surveillance

Préavis de motion concernant la composition du comité

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse) prenne la place de l’honorable sénateur Downe à titre d’un des membres du Comité permanent de l’audit et de la surveillance.

[Français]

Régie interne, budgets et administration

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à renvoyer des courriels qui font partie des délibérations tenues par le comité pendant la deuxième session de la quarante et unième législature au comité

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les documents ci-après, qui font partie des délibérations tenues par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pendant la deuxième session de la 41e législature, soient renvoyés au comité afin qu’il puisse en autoriser la divulgation aux fins d’un arbitrage sous le régime de la Loi sur les relations de travail au Parlement :

1.le courriel de l’honorable David Wells à l’honorable Leo Housakos, envoyé le 30 novembre 2015 à 11 h 17;

2.le courriel de l’honorable George Furey, c.r., à l’honorable Leo Housakos, envoyé le 30 novembre 2015 à 13 h 55.

(1500)

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à demander au gouvernement de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, permettez-moi de vous rappeler, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises avant la pause estivale, que de nombreux sénateurs souhaitent participer à la période des questions. Il serait donc souhaitable que les questions et les préambules, de même que les réponses, soient aussi brefs que possible. Cela permettra au plus grand nombre possible de collègues de participer à cet important exercice de reddition de comptes. Je vous remercie de votre collaboration.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires mondiales

L’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, ma question concerne le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Jusqu’à il y a quelques semaines, monsieur le leader, le premier ministre a passé la majeure partie de l’année à affirmer que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement était le mieux placé pour enquêter sur ce qu’il savait au sujet de l’ingérence de Pékin dans notre démocratie. Il y a un mois, le premier ministre nous a montré, une fois de plus, à quel point il tient à ce que l’on ne perde pas de vue ses intérêts en nommant, afin de combler le troisième et dernier siège prévu pour le Sénat à ce comité, un sénateur qu’il a lui-même nommé au Sénat — tout comme il l’a fait pour combler les deux autres sièges de ce comité réservés au Sénat. Sénateur Gold, pourquoi aucun sénateur conservateur ne siège-t-il à ce comité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Quel plaisir pour moi de reprendre ce rôle.

Le premier ministre a tenu compte des besoins du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR, de la diversité des membres qui le composent déjà et de la représentation de tous les partis à la Chambre des communes, puis il a fait un choix en fonction des critères qui répondaient le mieux aux besoins du CPSNR à ce moment-là.

Le sénateur Plett : Ainsi que d’un parti représenté au Sénat.

Les Canadiens savent très bien pourquoi le premier ministre Trudeau n’a jamais pris au sérieux l’ingérence de Pékin dans notre démocratie. Sénateur Gold, il a refusé d’annoncer la tenue d’une enquête publique longtemps après qu’il était devenu évident qu’elle était nécessaire. Pourquoi? Parce que, sénateur Gold, cela fait l’affaire du premier ministre, de son Cabinet et son parti que l’ingérence de Pékin ne soit pas examinée de trop près, étant donné qu’il en a profité.

Monsieur le leader, pour quelles raisons le premier ministre Trudeau continue-t-il d’exclure l’opposition officielle au Sénat du CPSNR? Je vous en prie, monsieur le leader, ne me dites pas que c’est la prérogative du premier ministre pour vous laver les mains de cette affaire. Il doit y avoir une raison pour laquelle il refuse toujours de nommer un sénateur conservateur. Quelle est-elle?

Le sénateur Gold : Je vais tenter d’être bref en disant simplement que vos affirmations et vos hypothèses concernant les motifs des décisions du premier ministre sont incorrectes, et qu’il n’est pas non plus correct de supposer que rien n’a été ou n’est fait pour enquêter sur les graves allégations d’ingérence étrangère.

Le premier ministre a fait son choix pour le CPSNR en fonction des besoins de ce dernier à ce moment-là, comme il le jugeait bon.

La sécurité publique

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, au sujet de la question très sérieuse de la sécurité nationale, nous obtenons enfin une enquête publique sur l’ingérence étrangère, mais, comme vous le savez, nous l’obtenons parce que le premier ministre a été forcé d’en tenir une à son corps défendant. Comme nous le savons aussi, monsieur le chef du gouvernement, nous attendons toujours que le gouvernement crée le registre des agents étrangers. Bien sûr, je soupçonne qu’aucune mesure ne sera prise avant l’élection d’un nouveau gouvernement.

Nous sommes tous au courant des allégations très graves que le premier ministre a formulées hier à la Chambre des communes. Par respect pour le processus d’enquête en cours, je ne ferai aucun commentaire à ce sujet et je ne vous demanderai pas d’en faire, monsieur le leader du gouvernement. Toutefois, cela met en évidence l’importance de la surveillance parlementaire et du rôle de l’opposition dans cette surveillance lorsqu’il est question de notre sécurité nationale et de l’ingérence étrangère.

Monsieur le leader du gouvernement, dans votre réponse, vous avez dit au leader de l’opposition officielle que le premier ministre avait fait des choix concernant le CPSNR. Il n’y a pas de choix à faire. Il doit y avoir un organisme parlementaire représentatif de tous les partis, surtout en ce qui concerne le Sénat et l’opposition officielle.

Monsieur le leader du gouvernement, vous engagez-vous à retourner voir les gens du Cabinet du premier ministre pour leur expliquer qu’il doit y avoir un représentant de l’opposition officielle dans le CPSNR? Dans la négative, pouvez-vous expliquer votre refus au Sénat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne suis pas prêt à m’engager envers vous ou envers le Sénat à vous informer des conseils et des recommandations que je vais formuler au premier ministre, ni à vous faire part de ceux que je lui ai déjà donnés. Je m’en tiens à la réponse que j’ai déjà donnée.

Le sénateur Housakos : Je ne vous demande pas de nous révéler les discussions que vous avez eues, ou non, avec les membres du Cabinet du premier ministre, mais vous pourriez au moins leur rappeler qu’il y a des règles et des procédures parlementaires à respecter au Sénat et que le parti de l’opposition a un rôle à y jouer.

Sénateur Gold, au sein du nouveau Sénat indépendant, vous avez notamment le devoir de répondre, au nom du gouvernement, aux questions qui vous sont posées. Vous êtes censé être sans affiliation. Si nous vous donnions deux jours, c’est-à-dire jusqu’à jeudi, je crois que vous auriez assez de temps pour dire au premier ministre qu’il est inacceptable d’exclure ainsi l’opposition officielle du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Comme je l’ai dit dans ma première question, par respect pour le Parlement, dans un esprit d’indépendance et par souci de crédibilité pour notre institution et pour son rôle de surveillance, vous engagez-vous à le leur dire?

Le sénateur Gold : J’ai fait part au premier ministre des préoccupations du Sénat et de ses groupes quant à la composition du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Le travail que les membres de ce comité et du Sénat ont accompli et continueront d’accomplir est exemplaire et fait honneur à l’institution.

Les services aux Autochtones

L’infrastructure dans les réserves des Premières Nations

L’honorable Paula Simons : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

La nation crie de Little Red River est l’une des plus grandes Premières Nations de l’Alberta, avec une population de plus de 6 700 personnes. C’est aussi l’une des plus isolées; elle est située au cœur de la forêt boréale dans le Nord de l’Alberta. Au début du mois de mai, l’une des trois collectivités constitutives de la nation, Fox Lake, a été prise dans le gigantesque incendie de forêt de Paskwa qui a débuté la première semaine de mai et qui brûle encore sur près de 100 000 hectares.

Il n’y a pas de route pour se rendre à Fox Lake. Sans l’aide de la province ou du gouvernement fédéral, la bande a réussi de manière désespérée, en trois jours, à évacuer 3 600 personnes à l’aide de barges et de canoës. Deux petits avions ont été utilisés afin d’évacuer les personnes trop faibles ou trop malades pour voyager par les cours d’eau, en utilisant la minuscule piste d’atterrissage de Fox Lake et en transportant huit personnes à la fois. La bonne nouvelle est que tout le monde en est sorti sain et sauf. La mauvaise nouvelle, c’est que des centaines de maisons ont été détruites et que 1 700 personnes n’ont plus d’endroit où vivre.

Les dirigeants des Cris de Little Red River ont fait des pieds et des mains afin de trouver de l’aide pour leur collectivité, mais il est difficile d’acheminer du matériel de construction et des fournitures à Fox Lake. Pouvez-vous nous dire quelle aide à la reconstruction d’urgence la collectivité peut attendre du gouvernement fédéral pour faire face à cette crise?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vous remercie aussi d’avoir souligné les effets dévastateurs des feux de forêt de cet été dans cette communauté et dans beaucoup d’autres.

Je ne manquerai pas de porter la question à l’attention du ministre compétent. Cette assemblée peut avoir l’assurance que le gouvernement a fait et continuera de faire tout en son pouvoir pour aider les communautés aux prises avec ces situations difficiles.

(1510)

La sénatrice Simons : D’après le chef Conroy Sewepagaham de la bande de Little Red River, l’allocation fédérale de cette dernière s’élève à 1,1 million de dollars par année — une somme qui n’a pas augmenté depuis 1997. La communauté de Fox Lake, qui compte presque 3 800 habitants, n’a pas de médecin. Le personnel infirmier se compose de quatre personnes et le personnel paramédical, de deux. La communauté a également besoin d’aide fédérale pour construire un pont et élargir sa piste d’atterrissage. Une fois cette crise immédiate passée, le gouvernement s’engagera-t-il à rencontrer les membres de la nation crie de Little Red River et à répondre aux besoins à long terme de Fox Lake en matière de santé et d’infrastructures?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Le gouvernement du Canada est conscient des défis que doivent relever les collectivités et des effets des changements climatiques à l’échelle du pays, notamment dans le Nord et dans les communautés autochtones, et il est sensible à ceux-ci. C’est pourquoi il a lancé la toute première Stratégie nationale d’adaptation pour aider toutes les collectivités canadiennes à s’adapter et à améliorer l’infrastructure nécessaire pour être mieux en mesure de relever ces défis engendrés par les changements climatiques.

À cette fin, depuis 2015, le gouvernement a investi plus de 10 milliards de dollars dans les secours aux sinistrés et l’adaptation aux changements climatiques, et il continuera de travailler avec chaque collectivité pour répondre à leurs besoins.

[Français]

Les transports

Les retards dans les aéroports

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le leader, au-delà des informations qui sont diffusées par les médias, j’ai pu constater par moi-même à deux reprises au cours des dernières semaines le chaos qui existe à l’aéroport Montréal-Trudeau : des files d’attente inacceptables de 60 à 90 minutes pour passer les douanes, des appareils Nexus qui ne fonctionnent pas, des heures d’attente pour récupérer nos valises quand elles ne sont pas tout simplement perdues dans le transport. Puis, à l’extérieur, une congestion monstre de la circulation pour accéder à ce qui doit être le second aéroport en importance au pays et en sortir.

Comme c’est souvent le cas avec le gouvernement actuel, personne ne semble imputable. Depuis quelques jours, on attribue maintenant ce manque de service aux demandeurs d’asile qui arrivent en très grand nombre en avion, plutôt que par le chemin Roxham, qui a été fermé. Personne n’avait prévu cela. Y a-t-il dans votre gouvernement quelqu’un qui est conscient de l’urgence d’agir et qui prendra ses responsabilités pour remettre de l’ordre rapidement dans les opérations de l’aéroport de Montréal, qui fait figure d’un aéroport du tiers-monde?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Sénateur Dagenais, le gouvernement est conscient des défis auxquels font face les aéroports au Canada et l’aéroport Trudeau, à Montréal. Le gouvernement a mis en place, pour la première fois dans l’histoire du Canada, des règlements pour protéger les passagers et garantir leurs droits qui incluent, entre autres, des indemnisations pour les vols qui ne suivent pas leur horaire et qui causent des perturbations. Bref, les défis, ici au Canada et ailleurs dans le monde, sont au cœur des préoccupations du nouveau ministre des Transports, l’honorable Pablo Rodriguez, qui est très au courant des défis que doit surmonter l’aéroport de Montréal. Je suis donc persuadé qu’il mettra la main à la pâte pour faire en sorte qu’il y aura des améliorations.

Le sénateur Dagenais : Monsieur le leader, la pandémie est terminée et les gens ont recommencé à voyager. Sur nos billets d’avion, il y a des frais aéroportuaires pour des services qui sont grandement insuffisants. Comprenez-vous que je puisse être sceptique, aujourd’hui, quand je constate que le nouveau président de l’aéroport de Montréal a octroyé un contrat d’un an à l’ancien président pour le conseiller dans les mesures à prendre pour corriger ce qu’il n’a pas été en mesure de faire lui-même alors qu’il était en poste? Est-ce une bonne façon de dépenser l’argent des frais aéroportuaires qui sont imputés aux voyageurs passant par Montréal?

Le sénateur Gold : Merci de la question. J’espère que les efforts du nouveau président, y compris celui que vous avez mentionné, auront des effets positifs sur l’expérience des voyageurs qui sont essentiels à l’aéroport de Montréal.

[Traduction]

La Société canadienne d’hypothèques et de logement

La Stratégie nationale sur le logement

L’honorable Jane Cordy : Sénateur Gold, le Canada traverse une crise du logement d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, la municipalité régionale d’Halifax a connu la plus forte hausse du loyer résidentiel au Canada de 2021 à 2022. Parallèlement, le taux d’inoccupation demeure autour de 1 %, soit le deuxième plus faible au pays.

Hier, le Groupe progressiste du Sénat a entendu un groupe d’experts sur la crise du logement, et leur appel à l’urgence d’agir fait écho aux préoccupations de tous les Canadiens. Le premier ministre a annoncé la semaine dernière l’abolition de la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs. Cette annonce est bienvenue, bien sûr. C’est un excellent premier pas, mais cette mesure ne suffira pas à résoudre le problème.

Que fera le gouvernement fédéral pour veiller à ce que tous les ordres de gouvernement agissent de façon coordonnée en ce qui concerne le dossier crucial du logement? Sénateur Gold, la pénurie de logements touche les droits de la personne.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme tous les Canadiens, le gouvernement est très conscient que nous faisons face à une crise du logement. Je vous sais gré de souligner dans votre question l’importance de la coopération, non seulement entre tous les ordres de gouvernement, mais aussi entre tous les secteurs responsables.

Je ne répéterai pas ce que j’ai dit par le passé. Comme vous le mentionnez, le gouvernement a pris une mesure importante en exemptant de la TPS la construction de nouveaux immeubles locatifs et — chose importante, pour revenir à votre question — en faisant preuve de leadership, car il presse les provinces à lui emboîter le pas, ce que de nombreuses provinces ont déjà fait. Nous espérons que d’autres, comme le Québec, ma province, fassent de même.

Les municipalités ont aussi un rôle à jouer, comme l’ont souligné de nombreux observateurs. Encore une fois, le gouvernement s’engage à collaborer avec les municipalités et à exercer son leadership, notamment moral, dans la recherche d’une solution à la crise.

La sénatrice Cordy : Je suis heureuse que nous soyons d’accord sur le fait qu’il doit s’agir d’un effort coordonné de tous les pouvoirs publics et de tous les secteurs de la population qui ont des problèmes, comme les personnes que notre groupe a rencontrées hier.

Il faut construire des logements le plus rapidement possible pour répondre aux besoins des Canadiens. Il y a une grave pénurie de logements non commerciaux et de logements supervisés. La pénurie de main-d’œuvre au Canada constitue un obstacle majeur à la construction de 5,8 millions de logements en huit ans.

Sénateur Gold, il n’y a tout simplement pas assez de gens de métier qualifiés pour construire rapidement le nombre de maisons dont nous avons besoin. Quelles mesures le gouvernement prend-il pour soutenir le marché du travail dans le secteur de la construction au Canada?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme le ministre de l’Immigration l’a fait remarquer au cours des derniers mois, le gouvernement espère attirer un nombre croissant d’immigrants qualifiés qui peuvent en fait contribuer à combler notre déficit de main-d’œuvre qualifiée dans ce domaine particulier. En effet, il y a une pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.

Il s’agit d’un équilibre difficile et délicat à trouver lorsque tous les facteurs doivent être combinés dans le cadre d’une politique rationnelle, prudente et sensée. Le gouvernement s’est engagé à faire sa part pour répondre à ce besoin.

La sécurité publique

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement et porte également sur les nominations faites au Sénat par le premier ministre Trudeau au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Au cours de l’été, le premier ministre a pourvu le dernier poste vacant réservé au Sénat en nommant à nouveau un sénateur qu’il avait lui-même nommé, ce qui signifie qu’en ce moment, les trois sénateurs siégeant au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement sont des personnes qu’il a nommées et choisies sur la base de valeurs communes. Ce faisant, le premier ministre a rompu l’équilibre entre le gouvernement et l’opposition au Sénat. Or, nous savons tous que le premier ministre veut priver l’opposition de son rôle de représentant de la minorité politique.

Sénateur Gold, allez-vous faire pression sur le premier ministre pour qu’il corrige cette erreur?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il n’est pas exact que le premier ministre ait l’intention ou le désir de priver l’opposition de son rôle. Les modifications récentes apportées à la Loi sur le Parlement du Canada le montrent très clairement, honorables collègues.

(1520)

Je n’ai pas l’intention d’exercer des pressions sur le premier ministre; une telle approche n’est pas appropriée. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, j’ai clairement fait part de mon point de vue au premier ministre, et il a agi dans le cadre de son mandat et de ses pouvoirs.

La sénatrice Martin : Sénateur Gold, 80 % des Canadiens sont insatisfaits du gouvernement Trudeau. Le temps est peut-être venu de réévaluer l’approche du gouvernement, en particulier à l’égard des dossiers de sécurité nationale et de renseignement. Jusqu’à l’arrivée de ce gouvernement, la convention avait toujours été de demander l’avis de l’opposition dans le choix des parlementaires responsables d’examiner des questions de sécurité nationale et de renseignement. Cette approche se justifie par une très bonne raison, qui est très importante : elle facilite la coopération entre les partis, ce qui contribue à accroître la confiance de la population et le soutien national dans ces dossiers. Lorsqu’un gouvernement ne nomme que ses amis au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, il y a un risque imminent que les Canadiens perdent confiance dans le processus de traitement et d’examen de ces questions.

Sénateur Gold, le gouvernement fera-t-il preuve de gros bon sens en reconnaissant qu’exclure l’opposition de ce comité n’est pas dans l’intérêt de notre pays?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Il est inexact et franchement irrespectueux de leur intégrité d’insinuer que les membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement y ont été nommés par népotisme ou, comme l’a laissé entendre votre leader, pour protéger le premier ministre et le gouvernement.

Il serait tout aussi inapproprié de présumer que les députés conservateurs, néo-démocrates ou autres ainsi que les sénateurs qui sont membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement n’abordent pas leur travail à la défense de la sécurité nationale du Canada avec le même degré d’honneur, d’intégrité et de diligence que le font et doivent le faire tous les parlementaires.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Ma question concerne également le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Monsieur le leader, je remarque que, sur les 11 membres du comité, un seul est francophone. Cela représente donc moins de 10 %, alors que les francophones représentent plus de 20 % de la société canadienne. Je sais que des candidatures de sénateurs francophones ont été soumises au premier ministre et qu’il les a refusées. Est-ce parce que ces sénateurs étaient conservateurs?

Le sénateur Gold : Non. Comme je l’ai expliqué, le premier ministre a pris en compte les besoins en faisant une analyse du comité, de la diversité des compétences et de l’expérience requises dans le contexte de la création du comité. Il a également tenu compte des enjeux auxquels le Canada fait face et du travail que doit effectuer le comité.

Le sénateur Carignan : Il semble que les enjeux ne touchent pas de près les francophones, et il semble également qu’ils ne touchent pas de façon primordiale les provinces de l’Atlantique. Sur les 11 membres du comité, aucun ne vient des quatre provinces de l’Atlantique. Encore une fois, les libéraux traitent les gens de l’Atlantique comme des citoyens de seconde zone, alors que cinq membres du comité viennent de l’Ontario. Je sais que, au cours des rondes de nomination précédentes, les candidatures de deux sénateurs de l’Atlantique ont été soumises, mais elles ont été refusées par le premier ministre. Est-ce parce que ces sénateurs étaient des conservateurs?

Le sénateur Gold : Il est difficile de répéter la même chose chaque fois. Malheureusement, vous me mettez dans une situation où je me dois de le faire.

Les sénateurs et les sénatrices sont nommés pour leur compétence et leur expérience, et en tenant compte des besoins du comité.

[Traduction]

Les finances

La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, de mars 2018 à mars 2022, le gouvernement Trudeau a effectué cinq versements totalisant 256 millions de dollars à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. Les conservateurs considèrent que cette banque d’investissement dans les infrastructures est un instrument du Parti communiste de Pékin. Le 14 juin, le Canadien qui travaillait en tant que cadre de la banque a confirmé nos inquiétudes lorsqu’il a expliqué en détail tous les éléments qui indiquent que la banque est contrôlée par le Parti communiste chinois.

Monsieur le leader, qu’en est-il de l’examen de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures annoncé par la ministre Freeland le 14 juin? Quand le gouvernement récupérera-t-il le quart de milliard de dollars des contribuables qu’il a donné à Pékin sans rien obtenir en retour?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. L’analyse, ou examen, est en cours. Une fois qu’elle sera achevée, les conclusions seront rendues publiques.

Le sénateur Plett : En avril 2022, soit il y a presque un an et demi, monsieur le leader, j’ai inscrit une question au Feuilleton du Sénat afin de savoir si le gouvernement Trudeau avait fait d’autres versements à la banque de l’infrastructure contrôlée par Pékin. Une autre question est inscrite au Feuilleton depuis mars 2021, ce qui fait deux ans et demi. Elle vise à savoir combien d’emplois de la classe moyenne ont été créés ici en envoyant l’argent des contribuables canadiens à cette banque de l’infrastructure. Monsieur le leader, en mars dernier, vous aviez répondu que vous chercheriez à obtenir des réponses à ces questions, mais j’attends toujours.

Monsieur le leader, avez-vous de la difficulté à répondre à de telles questions? Est-ce à cause de telles questions que le premier ministre ne veut pas de conservateurs au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénateur. Malheureusement, je n’ai pas encore reçu de réponses, mais je vais me renseigner à nouveau, tout comme je l’avais fait auparavant.

Le Bureau du Conseil privé

Le rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Comme vous l’avez déjà si bien dit, il y a une raison pour laquelle on parle de la période des questions et non de la période des réponses.

En juin, le prétendu rapporteur nommé par le premier ministre a confirmé que des stratèges libéraux et néo-démocrates lui avaient fourni gratuitement des conseils sur la façon de s’adresser aux médias alors que la firme Navigator, spécialisée dans la gestion de crises médiatiques, était payée pour lui donner un coup de main. Monsieur le leader, à ce moment-là, je vous avais demandé pourquoi de l’argent des contribuables était versé à Navigator alors que le rapporteur recevait déjà des conseils gratuits.

Hier, une réponse écrite déposée à la Chambre a révélé que les services de Navigator à titre de sous-traitant avaient été retenus par le cabinet d’avocats Torys, auquel le gouvernement Trudeau a octroyé un contrat à fournisseur unique d’une valeur de 4,5 millions de dollars.

Monsieur le leader, étant donné que le rapporteur nommé par le premier ministre a démissionné le 9 juin, quelle portion de ce contrat de 4,5 millions de dollars a été payée? Monsieur le leader, ai-je raison de croire que c’est la totalité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Il va sans dire que je ne sais pas si vous avez raison, mais je sais certainement que l’été n’a certes pas atténué votre propension à insulter l’ancien gouverneur général. Le rapporteur s’est acquitté de bonne grâce de la tâche qu’on lui avait confiée. C’est maintenant la juge Hogue qui est chargée de faire enquête sur l’ingérence étrangère. Nous sommes impatients de connaître les conclusions de cette enquête.

Le sénateur Plett : Une chose est sûre : les deux mois et demi de vacances que vous avez eus ne vous ont pas permis non plus d’améliorer vos réponses. Vous et moi devrions peut-être avoir un mois de plus, monsieur le leader. Je ne le sais pas.

Au lieu de prendre au sérieux, dès le début, les allégations d’ingérence de Pékin, votre gouvernement a cru pouvoir se tirer d’affaire autrement. Or, tout ce qu’il a fait, c’est de nous faire perdre du temps et de gaspiller des fonds publics. Monsieur le leader, c’est le gouvernement qui est critiqué, pas le prétendu rapporteur. Ce n’est pas lui qui a inventé ce poste, mais Trudeau.

Le gouvernement Trudeau a jugé acceptable d’accorder ce contrat dans une période où un nombre record de Canadiens ont recours aux banques alimentaires, où il en coûte deux fois plus cher pour se loger et où les gens n’ont pas les moyens de chauffer leur maison ni de payer l’essence nécessaire pour se rendre au travail. Contrairement à ce que la ministre Freeland a dit, nous ne pouvons pas tous prendre le métro.

Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau croit-il vraiment que les contribuables en ont eu pour leur argent avec ce contrat de 4,5 millions de dollars?

Le sénateur Gold : Le gouvernement estime que les mesures qu’il a prises, et qu’il continue de prendre, pour faire la lumière sur cette affaire et lutter contre l’ingérence étrangère dans les institutions démocratiques du Canada, et dans l’ensemble de ses institutions, sont indiquées pour contrer le danger qui menace les Canadiens. Le gouvernement continuera aussi d’agir en ce sens.

(1530)

Les affaires mondiales

L’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, en août, alors que la facture d’énergie des Canadiens grimpait encore, le gouvernement Trudeau a envoyé son ministre de l’Environnement à Pékin, où il se brûle chaque année plus de charbon que n’en brûlent tous les autres pays du monde réunis. Bien que le Conseil chinois de coopération internationale en environnement et en développement soit un instrument du Parti communiste chinois, le gouvernement Trudeau juge approprié que le ministre Guilbeault y siège à titre de vice-président. Non seulement cette organisation profite-t-elle ainsi de la bonne réputation du Canada, mais les contribuables canadiens la financent à hauteur de 16 millions de dollars.

Monsieur le leader, tout cela n’a aucun sens. Comment pouvez-vous défendre de tels agissements?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Pour le gouvernement du Canada et, en fait, pour tous les gouvernements, il est important et responsable de collaborer avec tous les gouvernements du monde afin de lutter contre les changements climatiques. Il serait irresponsable — ce serait même faire preuve d’un aveuglement idéologique — de ne pas tenir compte de la production considérable d’émissions provenant de carburants fossiles dont les pays comme la Chine sont responsables. Pour nous-mêmes, nos enfants et, sans tomber dans les clichés, nos petits-enfants, c’est se montrer responsable que de collaborer — en allant au-delà des différences fondamentales, des valeurs et des idéologies — avec les gouvernements qui se montrent prêts, dans leur propre intérêt, à réduire les conséquences désastreuses qu’ont les changements climatiques pour leur territoire, leur population et leur avenir.

Le sénateur Plett : Le parti communiste de Pékin intimide nos concitoyens ici même en sol canadien. Il a notamment mené une campagne contre des élus de l’autre endroit. En juin, la GRC a confirmé avoir ouvert une enquête à propos de menaces venant de Pékin et ciblant le député conservateur Michael Chong et sa famille. Malgré cela, à peine quelques semaines plus tard, le gouvernement Trudeau a trouvé tout à fait acceptable que le ministre Guilbeault participe aux activités de cette organisation. Rappelons que, pendant cette même période, les deux taxes sur le carbone du premier ministre entraînaient de terribles difficultés financières pour les familles canadiennes.

Est-ce que le premier ministre se décidera à prendre l’ingérence de Pékin au sérieux, monsieur le leader? Est-ce qu’il ordonnera au ministre Guilbeault de se retirer de cette organisation, qu’il arrêtera d’envoyer au Parti communiste chinois de l’argent des contribuables canadiens et qu’il éliminera cette taxe pour les Canadiens?

Le sénateur Gold : Non.

Recours au Règlement

L’honorable Yuen Pau Woo : J’invoque le Règlement.

Votre Honneur, tout comme vous l’avez fait au début de la nouvelle session en nous exhortant à faire attention au décorum et à ce que nous disons, j’aimerais faire part de mes vives préoccupations par rapport à l’utilisation d’un terme qui mine le sens de notre institution, qui ne se trouve pas dans le Règlement du Sénat ou dans la Loi sur le Parlement du Canada, et qui est profondément insultant pour bien des sénateurs. Je parle de l’idée voulant qu’il y ait une opposition officielle au Sénat.

Il y a quelques minutes seulement, pendant la période des questions, nous avons entendu à trois reprises — une fois de la part du sénateur Plett et deux fois de la part du sénateur Housakos — cette expression qui vise à donner l’impression injustifiée qu’il y a au Sénat un petit groupe de sénateurs qui ont plus de légitimité que les autres.

Je tiens à préciser que le terme « opposition officielle » s’emploie à la Chambre des communes, mais qu’il ne figure pas dans les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada qui ont trait au Sénat et dans le Règlement du Sénat. Je dirais que le fait qu’on n’emploie pas le même terme au Sénat devrait nous dire quelque chose sur ce que c’est que de jouer le rôle de l’opposition dans cette enceinte.

Dans une assemblée plus indépendante et moins partisane, nous devrions tous avoir les mêmes droits et privilèges, et nous ne devrions pas faire figure de citoyens de seconde classe comme le sous-entendent ceux qui brandissent le terme « opposition officielle ».

Par conséquent, Votre Honneur, on insulte nos collègues nommés au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui ne font pas partie de la prétendue opposition officielle en posant toutes ces questions pour savoir s’ils méritent de siéger à ce comité.

Votre Honneur, si nos collègues les sénateurs Plett et Housakos décident de ne pas retirer officiellement du hansard les propos qu’ils ont tenus, je vous prierais de nous donner des précisions sur l’utilisation de ce terme.

Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Permettez-moi tout d’abord de dire que je ne vais certainement pas retirer quoi que ce soit de ce que j’ai dit. J’ai utilisé le terme « opposition officielle » parce que c’est en fait le terme approprié. Je suis le leader de la loyale opposition au Sénat.

Vous pouvez hocher la tête tant que vous voulez, mais c’est l’expression juste.

De plus, je me réjouis, Votre Honneur, que vous preniez en délibéré la question de savoir si des sénateurs nommés par Justin Trudeau ont le droit de réclamer dans cette enceinte qu’on commence à changer les titres que nous avons utilisés jusqu’ici. Ces sénateurs peuvent se nommer agents de liaison ou représentants ou autrement s’ils le veulent. Il n’en demeure pas moins qu’il faut appeler un chat un chat.

Le sénateur Gold est le leader du gouvernement. C’est ce qu’a établi le Président antérieur dans une décision, même si le sénateur Gold ne souhaite pas se présenter ainsi.

Donc, sénateur, si votre rappel au Règlement consiste à savoir si nous sommes officiellement l’opposition, vous pouvez prendre la chose comme une insulte, mais moi, je dirais que c’est tout à fait ridicule. Nous sommes bel et bien l’opposition officielle. Vous pouvez vous plaindre lorsque nous utilisons le mauvais terme pour désigner d’autres personnes. Or, je n’ai dénigré personne dans notre enceinte. Je m’en suis pris au premier ministre pour avoir fait des nominations partisanes au sein du comité, parce qu’il s’agit bel et bien de nominations partisanes. Il s’agit de sénateurs que le premier ministre a lui-même nommés au Sénat et qu’il nomme au comité afin d’avoir leur collaboration.

Je maintiens toujours que nous sommes l’opposition officielle, madame la Présidente.

Décision de la présidence

Son Honneur la Présidente : Je suis prête à rendre ma décision. J’aimerais lire la définition de « leader de l’opposition » qui figure dans le Règlement du Sénat :

Sénateur reconnu comme chef du parti, autre que le parti au pouvoir, qui compte le plus de sénateurs. Le titre complet est « Leader de l’opposition au Sénat ».

J’invite les sénateurs à se comporter en conséquence.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Rosemary Moodie propose que le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, c’est vraiment un honneur de prendre la parole au Sénat à titre de marraine du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Le projet de loi a été déposé à la Chambre par l’honorable Karina Gould, alors qu’elle était ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social. Il a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit avant de nous être renvoyé et il s’agit d’un élément important des efforts du gouvernement pour mettre en place un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de qualité, accessible, abordable et inclusif pour tous les Canadiens.

Le projet de loi est le point culminant de décennies de militantisme par des spécialistes de la garde d’enfants, des défenseurs des enfants, des femmes et des économismes. Son adoption inscrirait dans la loi l’engagement du fédéral à collaborer avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones afin d’établir et de maintenir un service pour des générations de familles et qui servira l’intérêt des collectivités et du pays tout entier.

(1540)

D’entrée de jeu, je tiens à dire avec enthousiasme, personne n’en sera surpris, que je suis en faveur de ce projet de loi. Prendre soin des enfants, s’occuper de leur santé physique et de leur développement cognitif dès leurs premiers jours, comprendre le lien entre le développement et l’apprentissage et les résultats est l’œuvre de ma vie et ma passion. J’ai été un témoin privilégié de tous les bienfaits qui découlent d’une éducation de qualité dès la petite enfance. Je connais les effets positifs que cela peut avoir sur la vie d’un enfant. Au cours de ce débat, je vais vous faire part de mon point de vue sur le contexte actuel des services de garde et sur la place qu’y occupe le projet de loi. Je suis heureuse d’entendre, chers collègues, que vous appuyez en grand nombre ce projet de loi. J’ai hâte d’entendre vos commentaires au cours de ce débat.

L’histoire des services de garde au Canada explique là où nous en sommes aujourd’hui. Elle nous a menés aux défis que nous devons relever aujourd’hui et aux choix qui s’offrent à nous. C’est là que je vais commencer.

Honorables collègues, qu’en est-il de l’histoire du système de garderies au Canada? J’aimerais nous ramener dans les années 1960 et 1970, car c’est à cette époque qu’on a commencé à concevoir et à faire fonctionner le système de garderies que nous connaissons aujourd’hui. Plus précisément, trois événements importants ont eu lieu. Tout d’abord, il y a eu la création, en 1966, du Régime d’assistance publique du Canada. Ce programme était fondé sur un accord de partage des coûts destinés aux programmes d’aide sociale, tels que les services de garderie pour les familles démunies. À ma connaissance, il s’agit de la première initiative du gouvernement fédéral dans le domaine de la garde d’enfants.

Deuxièmement, il y a eu la participation accrue des femmes au marché du travail. Sous l’impulsion des mouvements féministes et de l’évolution de l’économie, la participation des femmes à la population active s’est considérablement accrue, celles-ci cherchant à contribuer à la prospérité de leur famille, et à mettre leurs talents à profit sur le marché du travail. En 1960, 30 % des femmes en âge de travailler étaient actives sur le marché du travail. Ce chiffre est passé à 42 % en 1970, puis à 60 % en 1980.

En raison de la participation des femmes au marché du travail, et grâce à un financement public accru, la garde d’enfants à l’extérieur du foyer est devenue une pratique de plus en plus courante. En 1973, 5 % des enfants étaient régulièrement confiés à une garderie, un chiffre qui a doublé en 1981, et triplé en 2004.

Le troisième événement s’est déroulé dans les années 1960 et 1970 et a façonné notre conception des services de garde aujourd’hui. La Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a été mise en place en 1967 par le très honorable Lester B. Pearson, à la demande de l’honorable Judy LaMarsh et de Laura Sabia. La commission a rassemblé des figures marquantes comme Florence Bird, Elsie MacGill et la jeune Monique Bégin. Elle avait pour mandat de faire rapport sur la situation de la femme au Canada et de formuler des recommandations sur la voie à suivre. Le rapport final, publié en décembre 1970, proposait 167 recommandations reposant sur le principe fondamental suivant : l’égalité entre les hommes et les femmes est non seulement possible, elle est aussi souhaitable et essentielle sur le plan éthique.

Une importante question étudiée par ce groupe était les services de garde. S’appuyant sur sa compréhension de l’évolution de l’économie et reconnaissant le droit des femmes d’être tout aussi actives sur le marché du travail que les hommes, la commission, dans son rapport, expose sa vision de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants au Canada : un réseau de garderies abordables et de grande qualité pour tous, géré à même les fonds publics. Pour la commission, il s’agissait d’un pas important vers l’égalité entre les sexes au Canada, et elle demandait au gouvernement du Canada d’intervenir et de tracer la voie d’un programme national fort.

La recommandation no 118 du rapport se lit comme suit :

La Commission recommande que le gouvernement fédéral prenne des mesures immédiates en liaison avec les provinces en vue de l’adoption d’une loi sur les garderies et les crèches, en vertu de laquelle on accorderait aux provinces une aide financière basée sur le partage des frais, pour la construction et le fonctionnement de garderies et crèches qui respectent les normes minimums prescrites [...]

Ce fut le début d’une longue et importante discussion sur le fonctionnement des garderies au Canada. Le Canada devrait-il participer à la création d’un ambitieux programme de garderies de grande qualité, abordables et accessibles, et si oui, comment?

Cette discussion se poursuit encore aujourd’hui.

Les services de garde sont restés un sujet brûlant pendant les années 1960 et 1970. Divers gouvernements fédéraux ont promis de créer un programme national de garderies, mais ce n’est qu’en 2005 que Ken Dryden a accepté des ententes bilatérales à la veille d’élections fédérales. Des progrès significatifs semblaient alors possibles.

En 2006, la victoire des conservateurs de Harper a réduit à néant les ententes sur les garderies au profit de la Prestation universelle pour la garde d’enfants. Il y a aussi eu la Prestation fiscale canadienne pour enfants et la Prestation nationale pour enfants. La Prestation universelle pour la garde d’enfants était une prestation imposable de 100 $ par enfant de moins de 6 ans.

Une décennie plus tard, les libéraux de Trudeau ont formé le gouvernement et converti la Prestation universelle pour la garde d’enfants et la Prestation fiscale canadienne pour enfants en ce qui est connu aujourd’hui sous le nom d’Allocation canadienne pour enfants, une prestation non imposable à laquelle peut s’ajouter au besoin la Prestation pour enfants handicapés. Les familles peuvent recevoir jusqu’à 619 $ par mois pour chaque enfant âgé de moins de six mois et jusqu’à 522 $ par mois pour chaque enfant âgé de 6 à 17 ans.

Quel a été l’effet de cette mesure? Pour la plupart des familles de la classe moyenne, cela s’est traduit par un soutien de centaines de dollars chaque mois, ce qui, on en conviendra, est un pas dans la bonne direction.

En outre, le gouvernement a conclu en 2017 un accord sur le Cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, qui prévoit l’injection de 7,5 milliards de dollars sur 11 ans. L’objectif consiste à « accroître la qualité, l’accessibilité, la flexibilité, et l’inclusion » des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, tout en tenant compte de ceux qui en ont davantage besoin.

Au milieu des années 2010, les services de garde ont vraiment été moins présents dans les discussions gouvernementales. Or, pendant cette période, nous avons vu l’utilisation des services de garde et le coût de ces services augmenter considérablement, alors que moins de gens avaient accès à des services de garde abordables pour leur famille. Avant 2011, la majorité des parents, soit 86 %, avaient recours à un réseau de services de garde composé de diverses garderies administrées par des municipalités ou par des organismes sans but lucratif. Certains fournisseurs, agréés ou non, offraient des services à domicile ou en centre privé. Les divers pouvoirs publics imposaient différentes exigences en ce qui concerne la qualité des services et les compétences des travailleurs, et bien des familles avaient de plus en plus de difficulté à trouver une place en garderie pour leur enfant.

Le coût des services de garde variait énormément d’une région à l’autre du pays. En 2020, le coût mensuel par enfant pouvait aller de 450 $ à Winnipeg à 1 600 $ à Toronto. Faute d’une aide fédérale considérable comme celle recommandée par la commission royale, ce service essentiel est devenu difficilement accessible et abordable, un résultat qui, bien honnêtement, aurait pu être évité.

Tournons-nous vers le Québec, qui a un réseau de garderies publiques depuis la fin des années 1990. On dit souvent que le Québec est un bon exemple de l’évolution que les services de garde auraient pu suivre. Même si son réseau n’est pas parfait, il importe de souligner le choix que le gouvernement du Québec a fait à la fin des années 1990. Son approche incluait également la bonification d’un régime de congés parentaux et des sommes substantielles pour les familles afin de faciliter l’épanouissement des enfants dans un réseau de garderies publiques de grande qualité, ainsi qu’un crédit d’impôt qui allait devenir une prestation mensuelle pour ceux qui n’avaient pas accès aux places publiques à faible coût.

(1550)

Le Québec a investi massivement dans les politiques qu’il jugeait nécessaires pour le bien des enfants, des femmes et l’économie, qui ont tous profité de l’orientation prise par la province.

Certes, chers collègues, le Québec a rencontré quelques obstacles. Comme la demande pour les services de garde a explosé, la province n’a pas été en mesure de créer des places subventionnées assez rapidement pour y répondre, ce qui se traduit à l’heure actuelle par la difficulté d’obtenir des services de garde abordables et de grande qualité pour les familles à faible revenu qui en ont le plus besoin. Malgré cela, les familles au Québec, et la société dans son ensemble, sont mieux loties grâce à ce programme qu’elles ne le seraient sans lui, puisqu’elles ont accès à plus de 220 000 places en garderies subventionnées, dont près de la moitié se trouvent dans des centres gérés par l’État.

La voie empruntée par le Québec le propulse vers un avenir très prometteur. Son expérience prouve que tous les Canadiens peuvent avoir accès à des services de garde de grande qualité et à tous les avantages qui en découlent.

Ensuite, il y a eu la pandémie. La pandémie de COVID-19 a ouvert les yeux à bon nombre d’entre nous. Malgré les nombreux aspects positifs de la vie au Canada, il y avait encore beaucoup de problèmes sous-jacents importants que la pandémie a mis au jour.

La pandémie a nui de façon disproportionnée à la participation des femmes à l’économie. Selon un rapport de la RBC, elle a effectivement forcé les femmes à se retirer de la population active, effaçant du coup trois décennies de progrès. La « récession au féminin », comme l’a nommée l’économiste Armine Yalnizyan, a révélé qu’un accès limité à des services de garde d’enfants est un frein majeur au retour des femmes sur le marché du travail. À l’automne 2020, 85 % des emplois qui n’avaient toujours pas été rétablis étaient des emplois occupés par des femmes.

La pandémie a eu des effets négatifs pour les enfants. Parmi les nombreux spécialistes qui sont parvenus à des conclusions comparables, les chercheurs de l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants ont conclu que la pandémie a entraîné un retard dans l’éducation des enfants et a eu des effets négatifs sur leur santé mentale.

La pandémie a donné lieu à une nouvelle vague de militantisme de la part des parents, des familles, des spécialistes des services de garde, des syndicats, des universitaires et des économistes, tous réclamant des services de garde de qualité, abordables, accessibles et inclusifs, soutenant qu’ils sont essentiels pour annuler les effets néfastes de la pandémie et bâtir une société pour tous.

Le gouvernement du Canada s’est montré ouvert à créer un plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien. Dans le discours du Trône de la deuxième session de la 43e législature, en réponse aux réalités et aux conséquences de la pandémie, le gouvernement a annoncé :

Conscient de l’urgence de cet enjeu, le gouvernement réalisera un investissement important, soutenu et à long terme dans la mise en place d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.

Dans le budget de 2021, le gouvernement s’est engagé à consacrer 30 milliards de dollars sur cinq ans et 8,3 milliards de dollars par la suite à la création et à la mise en œuvre d’un régime national de services de garde. À court terme, le gouvernement voulait réduire de 50 % le coût moyen de ces services d’ici 2022 et atteindre un coût moyen de 10 $ par jour d’ici 2026. Il devait s’agir d’un projet transformateur de la même envergure que les systèmes publics d’éducation et de santé que les dernières générations ont établis. Il s’agit d’un investissement pour les enfants d’aujourd’hui, qui en profiteront eux-mêmes et qui pourront aussi en faire profiter leurs propres enfants.

Oui, honorables sénateurs, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il en a fallu du temps avant que le gouvernement s’engage dans cette voie et que le parcours a été semé d’embûches. Aujourd’hui, nous assistons à la naissance d’un système qui sera très avantageux pour la société canadienne.

Voici en quoi l’éducation préscolaire et les services de garde seront bénéfiques.

Parlons d’abord des effets de ces services sur les jeunes Canadiens. Dans l’ensemble, lorsqu’ils sont de bonne qualité, ces services favorisent le développement cognitif, affectif et social des enfants et leur permettent de développer leurs aptitudes et leur confiance en soi. Ils favorisent aussi leur réussite à l’école et dans la vie. L’éducation préscolaire et les services de garde ont donc des effets positifs et durables qui se manifesteront tout au long de la vie des enfants.

Selon une étude du National Institute of Child Health and Human Development aux États-Unis, des services de garde d’enfants de grande qualité peuvent avoir une incidence positive sur le développement cognitif des jeunes enfants. Selon une étude de cohorte de la Sorbonne, soit l’étude de cohorte mère-enfant EDEN, par rapport aux enfants envoyés dans des services de garde non agréés, les enfants qui fréquentent des services de garde officiels sont :

[...] moins susceptibles d’avoir des symptômes émotionnels intenses, des problèmes de relations avec leurs pairs et des comportements peu prosociaux [...] La fréquentation d’une garderie en établissement pendant plus d’un an protège particulièrement contre les fortes difficultés émotionnelles associées aux pairs et les comportements peu prosociaux.

En 2021, Craig Alexander, qui était à l’époque conseiller de direction chez Deloitte, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet du projet de loi C-30. Il a passé plusieurs décennies à étudier les avantages économiques des services de garde d’enfants et nous a dit que les enfants issus de milieux défavorisés et de ménages à faible revenu sont ceux qui bénéficient le plus de l’éducation préscolaire et des services de garde, car ils réduisent l’écart souvent important qui existe entre leurs compétences lorsqu’ils entrent à l’école et les attentes du système scolaire. À l’étranger, une étude menée au Royaume-Uni a montré que la fréquentation de services de garde éducatifs réduisait de 40 % la probabilité qu’un enfant ait des besoins éducatifs spéciaux, ce qui représente des millions de dollars d’économies pour les systèmes d’éducation.

Au Canada, Morna Ballantyne, directrice générale de l’organisme Un Enfant Une Place, a déclaré au comité, à l’époque, que l’éducation préscolaire et les services de garde offrent aux enfants un avantage dans leurs études tout au long de leur vie, qui se traduit par le succès et un salaire plus élevé dans leur carrière.

Parlons maintenant de l’incidence de l’éducation préscolaire et des services de garde sur les femmes canadiennes et du rôle de ces dernières dans l’économie.

L’accès à des services de garde de qualité, abordables, flexibles et inclusifs ne vise pas seulement à donner à chaque enfant canadien le meilleur départ possible dans la vie; il s’agit aussi de donner aux parents, en particulier aux mères, la possibilité d’entrer ou de retourner sur le marché du travail, de poursuivre leurs études ou de démarrer leur entreprise.

Les données du Québec sont claires : le taux de participation des femmes au marché du travail a commencé à augmenter peu après la mise en place d’un système subventionné, ce qui a permis à des dizaines de milliers de femmes d’entrer sur le marché du travail. Il existe également des données qui indiquent que ce sera le cas dans d’autres provinces. Dans son rapport récent intitulé L’espace entre nous : la disponibilité des services de garde d’enfants définira le marché du travail canadien, l’économiste en chef de la Banque TD a révélé que l’amélioration de l’accès aux garderies dans les provinces a entraîné une augmentation de la participation au marché du travail des femmes ayant des enfants de moins de six ans. Le taux d’activité de ces femmes est monté en flèche depuis la pandémie. Il a augmenté de quatre points de pourcentage depuis 2020, ce qui équivaut à environ 111 000 femmes actives supplémentaires — une forte hausse par rapport à l’augmentation de 1,7 point de pourcentage affichée au cours des trois années précédentes.

Honorables collègues, il y a un consensus clair sur le fait que l’accès à des services de garde est un obstacle majeur à la prospérité économique et à l’égalité des sexes pour les femmes. Et quelle en est l’incidence sur l’économie en général?

Pendant la pandémie, on a constaté que les leaders du secteur privé étaient fortement en faveur d’un système pancanadien d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, car ils considèrent qu’il est essentiel à notre infrastructure économique et au rétablissement de l’économie. L’accès à des services de garde abordables joue un rôle important dans le recrutement et le maintien en poste des personnes les plus talentueuses qui soient.

Le gouvernement fédéral abonde dans le même sens. En élargissant l’accès à des services de garde abordables, inclusifs et de grande qualité, le Canada offre aux familles du pays la possibilité de faire preuve d’ambition et d’audace, de travailler fort afin de s’assurer un avenir prospère tout en sachant que leurs enfants sont en santé et en sécurité et qu’ils s’épanouissent. En outre, des études montrent que pour chaque dollar investi dans l’éducation préscolaire, l’économie en général reçoit entre 1,50 et 2,80 $ en retour. Selon les estimations du gouvernement fédéral, un système pancanadien pourrait accroître le PIB réel de 1,2 % au cours des deux prochaines décennies.

(1600)

Susan Prentice et Molly McCracken, de la Coalition des services de garde à l’enfance du Manitoba, ont constaté que les enfants bénéficieraient de retombées régionales importantes. Ces spécialistes de la question ont établi que pour chaque dollar investi dans le système de garde d’enfants de Winnipeg, la région en retirerait 1,38 $. Un meilleur accès aux garderies pourrait aider et soutenir près de 13 000 ménages, ce qui augmenterait le revenu de l’ensemble de ces familles de plus de 700 millions de dollars par an.

Bref, un meilleur accès aux garderies débouchera sur de meilleurs résultats pour les enfants, les femmes, les familles et l’économie dans son ensemble. Voilà pourquoi il faut un programme national de garderies. Voilà pourquoi ce projet de loi est important.

Honorables sénateurs, les dernières années ont été passionnantes, car le gouvernement a considérablement accru sa participation à la prestation de services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, et ce, en empruntant trois voies principales : en signant des accords bilatéraux avec les provinces et les territoires, en investissant dans l’infrastructure et en présentant le projet de loi C-35.

Parlons de la première et de la plus importante voie : la conclusion d’accords bilatéraux avec les provinces. Peu après l’adoption du budget de 2021, la Colombie-Britannique a été la première province à conclure un accord en juillet 2021.

En mars 2022, toutes les provinces et tous les territoires avaient signé un accord, l’Ontario étant le dernier signataire.

À l’heure actuelle, soit trois ans avant l’objectif national, le Manitoba, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et le Nunavut ont tous mis en place des services de garde accrédités à 10 $ par jour.

Le Québec et le Yukon offrent déjà des services réglementés à 10 $ par jour ou moins. En Alberta, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard, le coût des services de garde accrédités a diminué de 50 à 60 %. Ces provinces sont en bonne voie d’offrir des services à 10 $ par jour d’ici mars 2026.

Quels sont les effets de ces mesures sur les familles? Celles-ci économisent annuellement de 3 900 $ à 6 600 $ par enfant. Comme on l’a déjà dit, les accords bilatéraux sont tous différents, parce qu’ils sont adaptés à chacune des provinces, mais leurs grandes lignes et leurs thèmes sont semblables. Les voici :

D’abord, les services de garde définis par les accords multilatéraux sont tous semblables : il s’agit de services abordables, accessibles, inclusifs et de grande qualité.

Tous les accords dressent une série d’objectifs, dont la réduction des coûts, la création de places et le perfectionnement de la main‑d’œuvre.

Tous les accords prévoient que les investissements doivent être faits en priorité dans les services publics et à but non lucratif plutôt que dans le secteur privé et les services non accrédités.

Enfin, à chaque accord se greffe un plan d’action qui établit comment la province compte respecter ses engagements.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Le Nouveau-Brunswick s’est engagé à créer 34 000 nouvelles places. Son accord avec le Canada précise que les communautés de langue officielle en situation minoritaire auront un nombre de places égal ou supérieur à leur part de la population dans la province, protégeant ainsi l’accès pour chaque famille à des services dans la langue de son choix à l’échelle de la province. Cette décision respecte le statut constitutionnel du Nouveau-Brunswick à titre de province bilingue. Par ailleurs, la province s’est engagée à faire le suivi non seulement du nombre de places inclusives, en créant ou modifiant des programmes inclusifs, mais aussi des dépenses publiques annuelles dans les programmes de garde consacrés aux enfants issus de familles marginalisées ou vulnérables — ce qui améliorera la reddition de comptes à l’égard de ces communautés.

Je tiens à préciser qu’une importance similaire a été consentie aux communautés de langue officielle en situation minoritaire dans tous les accords.

L’accord actuel signé par les provinces demeure en vigueur jusqu’en 2026. Les négociations pour les années suivantes sont déjà amorcées ou elles le seront sous peu. Les gouvernements de partout au pays méritent des félicitations pour leur collaboration au nom des enfants et des familles. Les sénateurs devraient examiner les ententes conclues avec leur province pour constater les résultats positifs de la collaboration fédérale-provinciale sur laquelle repose ce programme.

Le Canada a également développé un système d’éducation préscolaire et de garde d’enfants autochtones en collaboration avec les communautés et les gouvernements autochtones. Certaines personnes présentes dans cette salle ont d’ailleurs travaillé à ce projet. Ce programme est conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

Il vise à habiliter les enfants inuits, métis et des Premières Nations en intégrant leur identité, leur langue et leur culture. Les programmes doivent être culturellement adaptés, distincts et fondés sur le droit à l’autodétermination de chaque communauté.

Le système d’éducation préscolaire et de garde d’enfants autochtones prévoit également la création de places et le développement de la main-d’œuvre. De surcroît, les communautés autochtones ont une influence directe sur la mise en œuvre du programme grâce à des investissements dans la gouvernance et l’établissement de partenariats.

La deuxième voie empruntée par le gouvernement, outre les accords, concerne les infrastructures. Le système d’éducation préscolaire et de garde d’enfants se construit avec une attention particulière pour l’amélioration des infrastructures. Le gouvernement a récemment annoncé le lancement des négociations avec les provinces sur le Fonds d’infrastructure pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Ce fonds, doté de 625 millions de dollars, devrait être disponible pendant quatre ans à compter du présent exercice et il servira à créer des places dans les communautés mal desservies.

Le troisième élément, outre les accords et les infrastructures, est une mesure législative. Elle consacrera l’engagement du gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones pour mettre en place et maintenir des services pour les générations à venir, dans l’intérêt des communautés et du pays tout entier.

Le projet de loi C-35 a été élaboré à partir de ces partenariats constructifs. Il ne s’agit pas d’une mesure imposée d’en haut : elle a été établie à partir du travail collaboratif fait à ce jour. Le projet de loi n’impose ni conditions ni exigences aux partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones. Il respecte les champs de compétence des provinces et territoires, ainsi que la vision et les principes du Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones.

L’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis ont participé au processus d’élaboration conjointe et accordent leur appui à cette initiative.

C’est le troisième élément — la mesure législative, le projet de loi C-35 — qui retient notre attention aujourd’hui. Le gouvernement du Canada a pour objectif à long terme d’établir un système d’éducation préscolaire et de garde d’enfants de grande qualité et financé par les fonds publics à l’intention de toutes les familles qui choisissent de l’utiliser.

Le projet de loi C-35 ne remplace pas et ne supplante pas les accords bilatéraux conclus à la grandeur du pays. Il procurera plutôt aux partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones une meilleure prévisibilité et l’assurance que le gouvernement fédéral s’engage à financer à long terme l’éducation préscolaire et les services de garde d’enfants.

Quoi qu’il en soit, vous remarquerez que le projet de loi concorde avec une bonne partie du contenu des accords, puisqu’il vise à fournir une structure durable et habilitante pour ces accords.

Regardons maintenant le projet de loi de plus près.

(1610)

Premièrement, l’article 6 du projet de loi énonce la vision du gouvernement pour un système d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Cette vision reconnaît le rôle du gouvernement dans la collaboration avec les provinces et les peuples autochtones pour mettre en place des programmes adaptables d’éducation préscolaire et de garde d’enfants qui répondent aux besoins des familles. La nécessité d’offrir des services adaptés à la culture et dirigés par les peuples autochtones est spécifiquement reconnue.

À la suite d’un amendement proposé par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre endroit, on a ajouté ce qui suit à l’article 6 : « [...] le droit [des peuples autochtones d’] accorder leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, relativement aux questions touchant les enfants. »

Deuxièmement, l’article 7 énonce les principes directeurs concernant les investissements fédéraux.

Les investissements fédéraux concernant l’établissement et le maintien d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada, ainsi que les efforts visant la conclusion avec les provinces et les peuples autochtones de tout accord connexe, sont guidés par les principes selon lesquels les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants devraient être accessibles, abordables, inclusifs et de haute qualité [...]

Bon nombre des termes employés jusqu’à présent peuvent être définis de différentes façons, mais l’article 7 nous fournit également des définitions. L’alinéa 7(1)a) définit les services de haute qualité comme étant des services qui tiennent compte des données probantes, qui répondent aux besoins des familles et qui respectent les normes des gouvernements autochtones et provinciaux. Il accorde aussi la priorité aux services « offerts par des fournisseurs de services de garde d’enfants publics et à but non lucratif ».

L’alinéa 7(1)b) établit l’abordabilité comme un principe fondamental afin que tous les Canadiens, quel que soit leur niveau de revenu, aient accès à des services de garde de haute qualité. L’alinéa 7(1)c) porte sur l’accessibilité et oblige le gouvernement à appuyer la prestation de services dans les collectivités rurales et éloignées et la prestation de services aux enfants handicapés et aux enfants issus des minorités linguistiques. Selon cet alinéa, l’accessibilité consiste aussi à répondre aux divers besoins des familles.

L’alinéa 7(1)d) oblige le gouvernement à promouvoir le développement de la main-d’œuvre par le recrutement et le maintien en poste d’éducateurs de la petite enfance qualifiés, un élément essentiel à la mise en œuvre d’un système de services de garde de haute qualité.

Le paragraphe 7(2) oblige le gouvernement à faire des investissements guidés à la fois par les principes établis au paragraphe 7(1) et par les principes énoncés dans le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones.

Enfin, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre endroit a apporté un autre amendement important à l’article 7 afin que les investissements soient aussi guidés par la Loi sur les langues officielles.

Troisièmement, l’article 8 du projet de loi engage le Canada à maintenir un financement à long terme, principalement par la voie d’accords avec les provinces, les gouvernements autochtones et les organismes autochtones.

Les articles 9 à 15 comprennent des dispositions relatives au Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Ce conseil réunira un groupe engagé et diversifié d’universitaires, de militants, de praticiens et de prestataires de soins afin de fournir des conseils d’experts au ministre des Familles, des Enfants et du Développement social. Il servira de forum de consultation sur les questions et les défis auxquels est confronté le secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants.

Là encore, un amendement du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a ajouté la possibilité de mener de vastes consultations auprès des organismes qui s’intéressent à la garde des jeunes enfants.

Le projet de loi C-35 confère au comité une autorité statutaire. Les articles 9 à 15 définissent le processus de nomination, les critères d’adhésion et les fonctions du comité, en plus de prescrire le nombre minimum de réunions, entre autres.

Le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a amendé cette partie du projet de loi au paragraphe 11(1) pour s’assurer que les peuples autochtones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont représentés au sein du comité. Il a également amendé l’article 14 pour permettre au comité de recevoir du ministre des renseignements sur le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants afin qu’il puisse jouer son rôle.

Enfin, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a apporté d’importants amendements à l’article 16, qui définit les détails des rapports annuels sur les performances et les progrès du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.

Avant de conclure ma présentation de ce projet de loi, je me dois de féliciter nos collègues de l’autre endroit de leur travail à son égard. J’estime que le projet de loi C-35 est solide. Il n’est pas étonnant que l’autre endroit l’ait adopté à l’unanimité. Quoi qu’il en soit, je suis impatiente que le Sénat et le Comité des affaires sociales l’étudient, conformément à notre rôle de partenaire complémentaire à la Chambre des communes dans le processus législatif.

J’ai quelques dernières observations. Ce que vous avez entendu de ma part dans ce discours, c’est qu’un travail énorme a été effectué et se poursuit en vue d’établir un système national de services de garde d’enfants. Le projet de loi C-35 fournit un cadre pour les accords en vigueur, mais nous savons que, à mesure que des progrès s’effectueront pour créer un système national de services de garde d’enfants, des problèmes surviendront. Je suis d’avis que le projet de loi laisse suffisamment de souplesse pour permettre au gouvernement fédéral et à ses partenaires de remédier aux problèmes actuels et futurs dans un cadre qui priorise la prestation publique et sans but lucratif des services de garde d’enfants.

En terminant, j’aimerais discuter de certains des problèmes que connaît notre système actuel.

D’abord, nous n’avons pas les données nécessaires pour étudier en profondeur et évaluer l’état des services de garde. C’est un aspect ciblé par les accords. Alors que nous faisons fond sur ce régime, nous devons avoir un meilleur portrait des besoins. De combien de places avons-nous besoin? Où doivent-elles se trouver? De combien de travailleurs manque-t-il? Cette information n’est pas facilement accessible, et il faut corriger cette situation, chers collègues.

Le deuxième défi est de bâtir une main-d’œuvre durable. C’est crucial non seulement pour établir de nouvelles places, mais également pour utiliser celles qui existent déjà. Un bassin d’éducateurs de la petite enfance de grande qualité est essentiel pour faciliter le développement social, affectif, physique et cognitif des jeunes enfants. Investir dans un tel bassin de travailleurs revient à investir dans la santé, le bien-être et la réussite des futures générations au Canada.

Malheureusement, le secteur des services de garde a énormément de difficultés à recruter et à maintenir en poste des travailleurs qualifiés. Selon le Childcare Resource and Research Unit, 50 % des travailleurs quittent l’industrie dans les cinq premières années. Ils se tournent plutôt vers les commissions scolaires ou le secteur privé parce qu’ils y trouvent des salaires et des avantages sociaux plus concurrentiels, ce qui nuit directement à l’offre.

Le YMCA de l’Ontario nous a dit que, sur ses 1 250 centres, aucun ne fonctionne au maximum de sa capacité à cause des pénuries de main-d’œuvre. Cette situation entraîne de longues listes d’attente et l’épuisement du personnel.

La rémunération, les avantages sociaux et un plan de carrière clair sont essentiels au développement à long terme de la population active. Nous pouvons y arriver en intégrant les centres de services de garde dans les grands réseaux de services sociaux qui ont les ressources nécessaires pour offrir des salaires et des avantages sociaux concurrentiels, de même que la taille nécessaire pour offrir de la mobilité et de nouvelles possibilités pour les travailleurs.

Cela m’amène à mon dernier point : le choix entre les services de garde publics et sans but lucratif ou ceux du secteur privé. Je crois que ce choix est judicieux et qu’il doit être un élément essentiel de tout programme national de garderies. Il est important de reconnaître que des exploitants du secteur privé fournissent d’excellents soins de garde partout au pays et que, au final, les services de garde sont un bien public. Les particuliers et les entreprises qui cherchent d’abord à être rentables ne seront jamais tentés de mettre sur pied le système dont nous avons besoin, c’est‑à‑dire qui est axé sur le caractère abordable, accessible et inclusif des services offerts plutôt que sur les profits réalisés. C’est la raison pour laquelle il faut un système public à but non lucratif.

(1620)

Dans le cadre de l’étude du Comité des affaires sociales sur le budget de 2021, la directrice générale de Child Care Now, Morna Ballantyne, a déclaré que, pour que les services soient équitables et de qualité, il fallait un service public. Elle a aussi dit que le gouvernement devrait avoir la responsabilité d’élargir l’offre de services. Ce n’est toutefois pas la fin des services privés. Les ententes accordent certains fonds aux fournisseurs de services privés. En effet, pour que les parents puissent avoir toujours accès aux services, tous les fournisseurs de services privés ont été inclus dès le départ dans le système national.

Dorénavant, le gouvernement veut que les fonds publics servent à des biens publics. Il s’agit d’un choix politique, honorables sénateurs. Ce ne sont pas la rentabilité des services offerts ou la capacité de payer des parents qui devraient conditionner l’accès à des services essentiels que nous considérons comme un bien public.

Tout comme d’autres secteurs de notre système d’éducation, les services de garde sont essentiels pour l’avenir et le développement des enfants. Cette politique n’a pas l’appui de tous, mais elle s’appuie sur des données probantes provenant d’ici et d’ailleurs. C’est la meilleure solution pour les tout-petits et pour la prospérité du Canada.

Nous sommes en pleine transition; la diminution du coût des services ne va pas nécessairement de pair avec l’augmentation du nombre de places. Bien des gens pourraient trouver que les changements ne vont pas assez vite ou que le plan ne fonctionne pas assez bien. Moi, je dirais qu’il ne faut pas reculer, mais persister, parce que c’est le résultat final qui compte, et les enfants canadiens devraient y avoir droit.

Je vous remercie, chers collègues, de votre attention. Je vous exhorte à étudier le projet de loi avec rigueur et à l’adopter rapidement afin que les provinces, les communautés autochtones, les parents et les enfants puissent avoir la certitude que le programme d’éducation préscolaire et de garde des jeunes enfants est là pour de bon à l’échelle du Canada.

Meegwetch, merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Andrew Cardozo : Je vous remercie de nous avoir éclairés en nous donnant un aperçu du sujet et d’avoir mentionné la remarquable Monique Bégin, une figure emblématique qui nous a légué un important héritage en matière de politiques sociales et de santé au Canada.

Ma question porte sur le soutien des pouvoirs publics aux services de garde au Canada. Il s’agit en effet de l’un des plus importants programmes d’abordabilité que nous mettons en place. Au fil des années et des décennies, les groupes de défense des femmes et les mouvements féministes étaient les seuls à demander la mise en place de garderies. Or, comme vous l’avez mentionné, la COVID a changé les choses. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui a changé et sur la manière dont nous avons finalement réussi à rallier le monde des affaires à la cause des services de garde d’enfants sur le plan national?

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Moodie, il ne vous reste plus que sept secondes. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Moodie : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Percy E. Downe propose que le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de parrain du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Les Canadiens attendaient ce projet de loi important pour lutter contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale à l’étranger. C’est pourquoi je suis heureux d’avoir l’occasion de le parrainer.

S’il est adopté par le Parlement, le projet de loi créera un registre public et consultable de propriété effective. J’accueille favorablement cette mesure législative et je ne suis pas le seul.

James Cohen de Transparency International Canada a dit :

Le budget de 2023 contenait un discours agressif au sujet de la lutte contre le blanchiment d’argent. Nous constatons heureusement qu’il est étayé par des propositions de plus en plus audacieuses qui doivent maintenant être mises en œuvre et financées. Il semble que le Canada soit enfin sur la bonne voie.

Un porte-parole de l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable estime que le projet de loi est une première étape importante et a déclaré :

Chaque année, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent coûtent des milliards de dollars au public. Un registre accessible au public améliorera considérablement l’observation et l’application des règles fiscales à tous les ordres de gouvernement.

Le gouvernement a proposé ce projet de loi parce que le manque de transparence concernant la propriété des entreprises entrave la capacité du Canada à lutter contre les crimes financiers graves tels que la fraude, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Il limite également la capacité de notre pays à appliquer des sanctions nationales et internationales au moyen du repérage et du gel efficaces des actifs financiers. Enfin, il affecte la confiance des Canadiens et des investisseurs étrangers dans notre marché et ébranle la conviction que notre régime fiscal traite tout le monde de la même manière.

L’incapacité du Canada à identifier rapidement et discrètement le propriétaire bénéficiaire d’une société, c’est-à-dire la personne physique qui contrôle la société ou l’entreprise, retarde l’application de la justice et des lois dans notre pays.

Les sénateurs seront peut-être intéressés d’apprendre que, selon le CANAFE, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, environ 70 % de tous les cas de blanchiment d’argent au Canada impliquent l’utilisation abusive de personnes morales, à la fois pour acheminer des produits de la criminalité étrangers vers ou par le Canada et pour blanchir des produits de la criminalité générés au pays. Cela correspond à l’une des conclusions du rapport final de la commission d’enquête Cullen sur le blanchiment d’argent en Colombie-Britannique.

Malheureusement, les cartels de la drogue et les criminels étrangers utilisent depuis longtemps des entreprises pour dissimuler la propriété et le contrôle. Un registre public de la propriété effective viendrait compléter les outils dont disposent déjà les forces de l’ordre. Ce type de registre et la transparence qu’il favorise ont un effet dissuasif sur les criminels, qu’ils soient étrangers ou nationaux.

Dans le cadre de mon travail sur l’évasion fiscale à l’étranger, j’ai toujours été impressionné par l’expérience australienne, dont j’ai déjà parlé au Sénat. Après avoir lancé le projet Wickenby, une vaste initiative gouvernementale visant à lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger et à récupérer les sommes dues au peuple australien, les autorités ont découvert que, une fois que des personnes avaient été inculpées, puis envoyées en prison, les transferts internationaux d’argent vers des paradis fiscaux connus avaient diminué considérablement. L’inculpation, la condamnation et l’emprisonnement des fraudeurs fiscaux et des blanchisseurs d’argent australiens ont réfréné leur désir de mener de telles activités.

À cette fin, le projet de loi prévoit des peines parmi les plus sévères au monde en cas de non-respect délibéré : des amendes pouvant atteindre 100 000 $ pour les sociétés et 1 million de dollars pour les administrateurs et les dirigeants, et jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour ceux qui fournissent sciemment des informations fausses ou trompeuses, ou qui permettent que celles-ci soient déposées.

Chers collègues, la nécessité de ce type de registre a maintenant été bien établie, notamment grâce à une consultation publique menée par le gouvernement du Canada et le Groupe d’action financière, l’organisme du G20 qui établit les normes internationales en la matière.

D’ailleurs, c’est le même groupe d’action qui, dans un rapport publié en 2016, a soulevé d’importantes préoccupations quant à l’état de la transparence en matière de propriété effective au Canada.

Ces dernières années, Transparency International, l’organisme mondial, et non la section canadienne, a accordé au Canada des notes de plus en plus mauvaises dans son indice annuel de perception de la corruption internationale, en grande partie à cause des délais dans le renforcement de la transparence en matière de propriété effective. Naturellement, ce même organisme est grandement encouragé par les mesures proposées dans le projet de loi dont nous sommes saisis. Une telle reconnaissance témoigne du leadership du ministre Champagne dans ce dossier. Grâce au projet de loi, ces mesures longtemps reportées dont le Canada a grandement besoin sont enfin arrivées.

(1630)

Les registres de propriété effective n’ont rien de nouveau et existent au Royaume-Uni et dans un nombre croissant de pays depuis 2016. Ils se sont révélés être un outil utile pour aider les forces de l’ordre, les journalistes et la société civile à détecter et à décourager la mauvaise utilisation des entreprises à des fins d’activités financières illicites. Un registre de propriété effective sera également utile pour les autorités fiscales canadiennes et étrangères. Elles pourront utiliser ces informations pour dépister et combattre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal abusif. Les Panama Papers et d’autres fuites à grande échelle ont révélé que les criminels cherchent des pays où il y a peu de transparence en matière de propriété effective et tentent ensuite de dissimuler leur propriété personnelle et leurs revenus. Plus la chaîne des entités impliquées entre le revenu et les véritables propriétaires est longue, plus il est difficile d’établir la vérité.

On ne devrait pas sous-estimer le poids de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal dans l’économie canadienne. En 2019, le département d’État américain a par exemple déclaré que le Canada est un pays où il se fait beaucoup de blanchiment d’argent. Selon le volume 2 du rapport International Narcotics Control Strategy Report, que le département d’État américain a publié en mars 2022, il se blanchirait de 50 à 120 milliards de dollars canadiens par année au Canada. Cela équivaut à environ 5 % de notre PIB, honorables sénateurs. Pensons-y un instant : le blanchiment d’argent représente 5 % de notre PIB. C’est aussi ce que dit le Service canadien de renseignements criminels dans son rapport de 2020. À partir d’une estimation de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le service conclut que le blanchiment d’argent représente une somme de 45 à 113 milliards de dollars canadiens, soit de 2 % à 5 % du PIB du Canada.

Honorables sénateurs, il s’agit d’un problème important que ce projet de loi contribuera à régler. La publication de renseignements sur la propriété effective favorisera la saine gestion et les liens de confiance. En vérifiant la propriété de leurs éventuels fournisseurs et clients, toutes les entreprises pourront vérifier avec qui elles font affaire et se protéger ainsi contre les filous.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler de quelques autres aspects du projet de loi qui témoignent selon moi de toute la réflexion qui sous-tend la création d’un régime efficace. Le comité sénatorial effectuera bien sûr sa propre étude approfondie du projet de loi, mais voici quelques points saillants.

Le projet de loi C-42 est le fruit de vastes consultations. En 2020, puis en 2022, des fonctionnaires d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et du ministère des Finances ont mené des consultations publiques sur les options possibles et ont rencontré les intervenants clés, y compris des membres des forces de l’ordre, des entrepreneurs, ainsi que des représentants d’organismes axés sur la promotion de la transparence, d’associations professionnelles et du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

Le texte du projet de loi C-42 tient soigneusement compte des points de vue de tous les intervenants, mais aussi des leçons tirées des registres déjà en place dans d’autres pays, tels que le Royaume‑Uni, l’Union européenne et les États-Unis. Ici, au Canada, le gouvernement fédéral, sous la direction du ministre Champagne, joue un rôle de premier plan et travaille en étroite collaboration avec les provinces et les territoires, étant donné que l’enregistrement des sociétés est une responsabilité conjointe.

S’il est adopté, ce projet de loi fédéral s’appliquera à environ 15 % des sociétés au Canada, mais avec la coopération des provinces et des territoires, cette proportion passera à 100 %. Chers collègues, le gouvernement provincial du Québec a ouvert la voie avec son projet de loi no 78, adopté en juin 2021, faisant du Québec la première province canadienne à établir un registre de la propriété effective accessible au public. Le gouvernement de la Colombie‑Britannique a rapidement suivi son exemple. Je souhaite féliciter ces gouvernements de leurs leaderships et exhorter d’autres gouvernements provinciaux à leur emboîter le pas.

Il y a un autre aspect de ce projet de loi que je souhaite souligner. Il concerne la protection de la vie privée des Canadiens. Dès son entrée en vigueur, le projet de loi C-42 exigera des sociétés qu’elles recueillent davantage de renseignements sur leurs propriétaires bénéficiaires, notamment leur nom, leur citoyenneté, leur date de naissance et leur adresse, et qu’elles transmettent ces renseignements, ainsi que d’autres données figurant dans leur registre des personnes qui exercent un contrôle important, à Corporations Canada. Elles seront tenues de le faire tous les ans et dans les 15 jours suivant toute modification apportée à leur registre. Ces nouveaux renseignements sont nécessaires pour permettre aux forces de l’ordre d’identifier efficacement les propriétaires bénéficiaires et d’aligner leurs pratiques avec celles de leurs partenaires internationaux.

En même temps, seule une partie des renseignements recueillis par Corporations Canada sera mise à la disposition du public, notamment le nom, l’adresse aux fins de signification si elle a été fournie à la société, ou l’adresse résidentielle si aucune adresse aux fins de signification n’a été fournie à la société, la date à laquelle la personne a commencé ou cessé d’exercer un contrôle important, ainsi qu’une description de la nature de ce contrôle.

La mesure législative proposée ne vise à recueillir et à divulguer que les renseignements qui sont à la fois nécessaires et pertinents pour permettre au registre d’atteindre ses objectifs. Les renseignements personnels les plus délicats seront uniquement mis à la disposition des forces de l’ordre et d’autres entités autorisées. Cela vise justement à protéger la vie privée, et un énoncé concernant la Charte émis par le ministère de la Justice du Canada indique que le projet de loi C-42 est entièrement conforme à la Charte canadienne des droits et des libertés.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-42 prévoit également un régime d’exemption à deux volets pour protéger certaines personnes à risque et renforcer la conformité du projet de loi avec la Charte. Le premier volet consiste en une exception automatique à la disposition de publication pour les personnes âgées de moins de 18 ans. Le deuxième volet consiste en une exemption sur demande si le directeur de Corporations Canada est convaincu que le particulier ayant présenté la demande a prouvé que la publication compromettrait sa sécurité. Il est important de mentionner que dans tous ces cas, les forces de l’ordre auront toujours accès à ces renseignements et que le site Web de Corporations Canada devra rendre publiques ses décisions d’accorder une exemption. En même temps, le principal ensemble de renseignements rendus publics sera fort utile aux actionnaires, aux créanciers et aux autres partenaires d’affaires des entreprises, tels que les entités déclarantes, les forces de l’ordre étrangères et les autorités fiscales, de même qu’aux organismes non gouvernementaux, aux journalistes et aux membres du public.

Honorables collègues, un autre groupe d’éléments du projet de loi C-42 digne de mention est la mesure mise en place pour décourager les transgressions. L’efficacité du registre dépendra fortement des données qu’il contient. Le projet de loi C-42 jette les fondements d’un programme complet et progressif de conformité — qui comprend les mesures administratives et les sanctions pénales que j’ai décrites plus tôt — en vue de décourager les mauvais comportements et d’encourager toutes les entreprises à se conformer.

Sur le plan administratif, les sociétés qui ne fournissent pas leurs renseignements sur la propriété effective à Corporations Canada pourraient ne pas obtenir de certificat de conformité, un document souvent requis pour appuyer une demande de prêt ou pour conclure un contrat avec un fournisseur ou un acheteur éventuel. Si une société demeure en situation de non-conformité, elle pourrait être dissoute. Autrement dit, elle cesserait d’exister sur le plan juridique.

Honorables sénateurs, j’aimerais aussi souligner un autre élément clé permettant aux particuliers, aux employés et aux journalistes de signaler des activités suspectes directement au directeur de Corporations Canada. Je songe à la disposition de protection des dénonciateurs. Par exemple, le directeur de Corporations Canada ne sera pas autorisé à divulguer au public les renseignements fournis par un dénonciateur. En effet, le projet de loi modifie l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information afin de prévenir la divulgation de renseignements qui pourraient permettre d’identifier des particuliers.

(1640)

Ensemble, ces mesures devraient permettre d’améliorer l’exactitude et l’intégrité des renseignements contenus dans le registre et décourager les fausses déclarations intentionnelles, ainsi que les renseignements faux ou trompeurs.

Chers collègues, j’ai beaucoup parlé des efforts déployés afin d’accroître la transparence et de tenir les criminels responsables de leurs actes, mais cela ne devrait pas nous faire perdre de vue le fait que la grande majorité des entreprises canadiennes respectent les lois et qu’elles sont essentielles au bien-être de notre pays. Le projet de loi C-42 en tient compte et s’efforce d’atténuer le coût administratif de ces nouvelles obligations. Plus précisément, le projet de loi C-42 permettra d’utiliser des formulaires de demande en ligne seulement et harmonisera les délais de déclarations aux exigences préexistantes en matière de déclaration pour les entreprises, notamment en ce qui concerne les rapports annuels et les changements d’administrateurs. Des mesures additionnelles seront prises, dont l’intégration progressive des sociétés en fonction de leur date de création initiale, ainsi que d’importants efforts en matière d’éducation et de communication.

Chers collègues, j’aimerais maintenant parler de l’interopérabilité du registre. Cette caractéristique préoccupe grandement les parties intéressées et constituera un élément important du succès d’une approche fédérale à l’égard de la transparence des entreprises. L’interopérabilité a plusieurs facettes, mais l’idée générale consiste à harmoniser le registre fédéral avec les registres nationaux et internationaux afin d’inciter les provinces à participer à un registre pancanadien.

Honorables sénateurs, le gouvernement s’est engagé publiquement à adopter la Beneficial Ownership Data Standard — la norme relative aux données sur la propriété effective —, une norme ouverte reconnue internationalement qui offre une manière uniforme d’utiliser, de recueillir, d’échanger et de mettre en place des renseignements sur la propriété effective et le contrôle des entreprises. En adhérant à cette norme, le Canada fera en sorte que son registre repose sur le même langage technique que les registres de la propriété effective du monde entier, de même que nos autorités provinciales et fédérales, et puisse communiquer avec eux.

Les ministres des Finances provinciaux et territoriaux ont accepté, en principe, d’apporter des modifications législatives aux lois en vigueur sur les sociétés afin d’exiger que ces dernières tiennent des renseignements à jour sur la propriété effective. Ce projet de loi est la deuxième étape.

Les efforts visant à harmoniser les registres des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur la propriété effective sont en cours. Le 5 juin dernier, le ministre Champagne et la vice-première ministre Freeland ont envoyé une lettre commune à leurs homologues provinciaux et territoriaux pour leur demander d’unir leurs efforts à ceux du gouvernement fédéral afin de créer un registre de la propriété effective pancanadien. De plus, ils cherchaient expressément à comprendre quels étaient les besoins de chacun et ce dont ils avaient besoin pour faciliter leur participation à un système national.

Honorables sénateurs, le manque de transparence en matière de propriété effective nuit au Canada dans la lutte contre les crimes financiers graves comme la fraude, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale à l’étranger. Cela limite également sa capacité à faire appliquer des sanctions nationales et internationales ainsi qu’à retracer et à geler efficacement des actifs financiers. Le manque de transparence en matière de propriété effective a une incidence sur la confiance des Canadiens et des investisseurs étrangers dans le marché canadien. Bref, il faut que le Canada perde sa réputation de pays idéal où blanchir de l’argent. La stabilité du gouvernement et du système bancaire du Canada en a fait une plaque tournante internationale pour les criminels et pour l’argent étranger provenant des cartels de la drogue, des dictateurs corrompus et de la pègre.

Le registre que propose le projet de loi C-42 représenterait une avancée importante vers cet objectif. Il serait fort utile aux forces de l’ordre et soutiendrait l’établissement et le renforcement de la confiance envers le marché canadien.

Enfin, chers collègues, le Canada agit. Pour toutes ces raisons, j’espère que, comme moi, vous appuierez le projet de loi. Je vous remercie, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick).

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour et je ne suis pas prêt à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marty Deacon propose que le projet de loi S-269, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-269, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs.

Avant de parler du projet de loi, je prends un instant pour saluer tous mes collègues et le personnel du Sénat en leur disant « bon retour » et pour souhaiter la bienvenue tout spécialement aux deux nouveaux sénateurs. Nous sommes ravis que vos familles et vous soyez ici.

Les trois derniers mois ont été difficiles pour de nombreux Canadiens, et je ne doute pas que bien des personnes ici connaissent des gens dont la vie a été chamboulée par les inondations et les feux de forêt. J’ai vu des régions très endommagées, au Canada et à l’étranger, dans le cadre de déplacements pour le Sénat. Aujourd’hui, c’est formidable de plonger dans le travail très important que nous devons tous faire.

En ce qui concerne la mesure législative, je veux également remercier mon collègue le sénateur Cotter, qui est un important partenaire pour ce projet de loi et qui est toujours disponible pour m’offrir des conseils sur le sujet. Il y a deux ans, chers collègues, lorsqu’une majorité de sénateurs — dont je faisais partie — a adopté le projet de loi C-218, qui a légalisé les paris sur une seule épreuve sportive, nous nous sommes aventurés en terrain inconnu. J’ai hésité à voter pour le projet de loi. Si je l’ai fait, c’est principalement pour faire sortir de l’ombre le jeu illicite.

Nous avons vu les recettes qui ont été générées pendant ces deux premières années en Ontario seulement. Les fonds provenant de ces activités quittaient le Canada ou se retrouvaient entre les mains de criminels, ce qui avait parfois des conséquences dangereuses. Dans ce sens, le projet de loi a eu les effets positifs que je prévoyais. J’espérais que la légalisation des paris sur une seule épreuve sportive serait accompagnée d’efforts visant à réduire les méfaits de ces activités, mais cela ne s’est pas produit. Je n’avais pas prévu l’ampleur que prendrait la promotion, et je crois qu’elle risque de créer une génération de joueurs compulsifs.

(1650)

Est-ce que je regrette mon vote? Je ne le regrette toujours pas, du moins, pas encore. Nous pouvons encore corriger le tir. C’est ce que je tente de faire aujourd’hui avec ce projet de loi.

Nous avons l’avantage de pouvoir regarder ce qui se passe dans d’autres pays. J’ai d’ailleurs rencontré des chefs de file du Royaume-Uni dans ce domaine il y a quelques semaines. Nous pouvons tirer efficacement des leçons de leur expérience. Les provinces commencent tout juste à se demander comment elles aborderont ce dossier. Beaucoup de sénateurs seront sûrement heureux d’apprendre que la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario a annoncé dernièrement quelques règles concernant la publicité pour les paris sportifs. J’y vois un point positif mais, pour des raisons que j’aborderai rapidement ici avant de les examiner davantage plus tard, ces règles ne vont pas assez loin. Il nous faut des normes nationales auxquelles les entreprises de paris devront se conformer : c’est ainsi que tous les Canadiens pourront bénéficier des mêmes protections, peu importe leur province de résidence.

Cet été, je me suis entretenue avec des collègues d’ici et de l’autre endroit, des familles d’un bout à l’autre du pays, des dirigeants autochtones et des responsables de la réglementation au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, et je n’ai jamais été aussi convaincue que le gouvernement doit agir dans ce dossier, et ce, dès maintenant.

Le fait est, chers collègues, que les Canadiens trouvent préoccupante la publicité excessive pour les paris sportifs. D’après un récent sondage Ipsos, 63 % d’entre nous sont las de voir autant de messages publicitaires pour les jeux d’argent. Si vous avez regardé la série Leafs-Panthers au deuxième tour des séries éliminatoires de la Ligue nationale hockey cette année, vous avez eu droit à neuf minutes de publicité sur les paris sportifs par match, sans compter les conseils sur les paris offerts par les panels pendant les pauses, où l’on présente maintenant les cotes en plus de l’analyse du match. N’oublions pas non plus les pauvres âmes qui décident de fréquenter les médias sociaux pendant le match, où le flot de publicité pour les jeux d’argent ne connaît pas de fin.

Il ne s’agit pas seulement d’un irritant ou d’une distraction. Ces messages publicitaires ont des conséquences négatives très graves et prouvées. Un joueur compulsif qui, par le passé, arrivait à éviter le casino ou le comptoir PROLINE est maintenant assailli de tentations lorsqu’il s’assoit à la maison simplement pour regarder un match. Voilà qui présente un défi majeur pour les personnes aux prises avec une dépendance au jeu.

Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour aider ceux qui voulaient arrêter de fumer. Un alcoolique n’a pas autant de chance, mais, reconnaissant les méfaits, nous avons mis en place des restrictions importantes sur les publicités de bière et de spiritueux; grâce à un travail comme celui de notre collègue le sénateur Brazeau, il y aura peut-être bientôt des avertissements sur les étiquettes également. En revanche, aujourd’hui, un joueur compulsif ne peut plus regarder son écran sans être encouragé à jouer.

Je voudrais partager un court message que j’ai reçu d’un père au mois de juillet, après ma présentation de ce projet de loi. Il se lit comme suit :

J’ai un garçon de 7 ans, assez athlétique et assez intelligent. C’est un enfant sportif et il est futé, mais je ne le laisse plus regarder le sport à la télévision. Il adore les Blue Jays et les Canadiens. Toutefois, le flot incessant de publicités est devenu problématique. Au début, lorsqu’il m’a posé des questions sur les publicités, j’ai essayé d’adopter une approche logique et de lui expliquer l’aspect mathématique de la chose. Cela me semblait être une bonne idée. Il a compris. Cependant, j’ai éteint le téléviseur pour de bon lorsqu’il a demandé s’il pouvait parier son propre argent. Je précise que je ne suis pas une joueuse et qu’il ne m’a jamais vu jouer. Je ne fais même pas de paris bidon avec lui. Même si je lui ai expliqué les choses très clairement, il voulait quand même voir s’il pouvait gagner de l’argent. Fini la télévision.

Je suppose, chers collègues, qu’il s’agit d’une bataille qui se joue dans des salons partout au pays. Par ailleurs, il n’a jamais été plus facile de parier, ce qui est loin d’arranger les choses. En effet, il suffit souvent de manœuvres de base sur son téléphone intelligent pour parier sur une foule de résultats d’un match qu’on est en train de regarder. J’ai vu des enfants de moins de 10 ans le faire. Nul besoin d’une spécialisation en psychologie — même si je soupçonne qu’il y en aura bientôt une —pour comprendre pourquoi c’est problématique et ne fera qu’aggraver les problèmes de jeu qu’on observe déjà au Canada. Les recherches montrent effectivement que nous nous dirigeons dans la mauvaise direction.

Statistique Canada a indiqué en 2022 que deux tiers des Canadiens âgés de 15 ans ou plus ont déclaré avoir joué à des jeux d’argent au cours de la dernière année. J’ai bien dit deux tiers. Même si seulement 1,6 % de ces joueurs présentaient un risque modéré ou grave de problèmes liés au jeu, cela représente tout de même 304 000 Canadiens à risque.

Si le jeu tend à être plus répandu dans les ménages à revenu élevé, les ménages à faible revenu sont plus de deux fois plus susceptibles d’avoir un membre de leur famille présentant un risque modéré à grave de dépendance au jeu. Il est aussi important de souligner que les Autochtones ont déclaré avoir joué plus souvent au cours de la dernière année que les autres groupes démographiques, et ceux ayant joué étaient trois fois plus susceptibles de présenter un risque modéré ou grave de problèmes de jeu.

Fait important, les publicités que nous voyons aujourd’hui sont particulièrement attrayantes pour les jeunes Canadiens. L’industrie dit qu’elle fait tous les efforts pour ne pas attirer les enfants, mais il a fallu leur dire de retirer des célébrités de leurs publicités, et malgré cela, les recherches indiquent que ce déluge de publicités a encore beaucoup d’influence sur les jeunes Canadiens.

Une analyse documentaire souvent citée qui a été faite en 2014 par l’Université de Göteborg révèle que les enfants retiennent bien les publicités sur les paris et les marques. Les enfants et les jeunes étaient les plus conscients du lien entre la publicité et les sports, ce qui est perçu comme quelque chose qui banalise les paris.

Selon les résultats d’une étude plus récente effectuée en 2023 par l’Australian Institute of Family Studies, les jeunes sont plus susceptibles de faire un pari de façon impulsive ou de parier davantage après avoir vu des publicités sur les paris. D’après les résultats d’une analyse documentaire menée en 2023 par le Journal of Public Health, il y a des indices de ce qu’on appelle l’effet dose‑réponse, ce qui veut dire qu’une exposition accrue à la publicité fait croître la participation, ce qui entraîne un risque de préjudices accru, cette tendance étant plus prononcée chez les jeunes, y compris les jeunes enfants, et chez les personnes déjà vulnérables à cause de leurs habitudes de jeu actuelles.

Je cite également une entrevue donnée par Raffaello Rossi, professeur de marketing à l’Université de Bristol, qui a récemment mené un sondage auprès de jeunes Britanniques au sujet de leur réaction face aux publicités sur le jeu. Il a découvert que, entre les jeunes de 18 ans et plus et les jeunes de 11 à 17 ans, c’étaient les plus jeunes qui avaient des émotions et une réaction beaucoup plus positives que les adultes face à ce type de publicités. Il affirme que « [...] en fait, en général, les adultes détestent plutôt ce type de publicités ».

Nous nous retrouvons dans une situation similaire. Les entreprises de paris font de la publicité pour un produit que seuls les adultes peuvent utiliser, mais ces publicités plaisent surtout aux enfants. Où cela nous mènera-t-il? Pour ces enfants, le jeu finit par faire autant partie du sport qu’encourager son équipe favorite ou pratiquer soi-même le sport. Vous pouvez également avoir l’assurance que, dès qu’ils auront la possibilité de faire des paris, que ce soit au moyen de la carte de crédit de leurs parents et de la leur, ils le feront.

Toutefois, il n’est pas nécessaire de me croire sur parole, car il suffit de regarder de nouveau le Royaume-Uni pour voir où cela nous mènera. En 2005, le Royaume-Uni a légalisé les paris sur les manifestations sportives individuelles et, comme nous, n’a imposé pratiquement aucune restriction à la publicité. Aujourd’hui, à cause de cette décision, on estime qu'un tiers de million de personnes au Royaume-Uni sont des joueurs à problèmes, dont 55 000 enfants. Pour chaque joueur à problèmes, on a constaté que six autres personnes subissent une forme quelconque de dommages collatéraux, comme l’éclatement des familles, la criminalité ou la perte d’un emploi ou d’un logement. Ce qui est tragique, c’est que, en moyenne, un joueur à problèmes se suicide chaque jour.

Conscient de cette réalité, et en grande partie grâce au rapport de la Chambre des lords que je viens de citer, le Royaume-Uni commence à corriger cette erreur. L’année dernière, le pays a interdit aux célébrités et aux athlètes d’apparaître dans les publicités sur les jeux d’argent. Les publicités sur les jeux d’argent ne seront diffusées qu’après 21 heures, et les gens ne verront plus les entreprises de paris orner le maillot de leur footballeur préféré. Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays à prendre de telles mesures. L’Italie, l’Espagne, la Pologne, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas ont tous récemment adopté des règlements stricts sur la publicité sur les jeux d’argent, et certains ont même interdit totalement les publicités.

Chers collègues, on voit clairement où tout cela va mener. Le Canada n’est pas l’exception internationale en la matière et il est ridicule de jouer avec la santé et le bien-être des Canadiens lorsque nous savons déjà quel sera le résultat. Il est absolument insensé d’attendre que ces problèmes surgissent pour réagir. À ce stade-là, la vie de dizaines de milliers de Canadiens aura été dévastée par le jeu compulsif. Nous disposons des outils nécessaires pour prévenir ces problèmes dès maintenant et c’est pourquoi j’ai pris la parole au Sénat pour présenter ce projet de loi.

Le projet de loi exige que le ministre du Patrimoine canadien élabore un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs. Je vous rappelle que le projet de loi est composé de trois volets. Le ministre doit d’abord définir des mesures visant à réglementer la publicité pour les paris sportifs au Canada, par exemple en limitant ou en interdisant la participation de célébrités ou d’athlètes, en restreignant l’utilisation de la publicité non diffusée, ou en limitant le nombre, la portée ou l’emplacement de ces annonces.

(1700)

En second lieu, le ministre doit définir des mesures visant à promouvoir la recherche et la communication intergouvernementale sur la prévention et le diagnostic du jeu compulsif chez les mineurs, et des mesures de soutien destinées aux personnes touchées.

Troisièmement, le ministre doit établir des normes nationales relatives à la prévention et au diagnostic du jeu compulsif et de la dépendance au jeu, et relatives aux mesures de soutien destinées aux personnes touchées.

Pour ce faire, le ministre du Patrimoine canadien doit consulter le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, le ministre de la Justice, le ministre de la Santé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, le ministre de la Santé mentale et des Dépendances, le ministre des Services aux Autochtones et tout autre ministre qui, de l’avis du ministre du Patrimoine canadien, a des responsabilités pertinentes.

Il faut consulter des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux, notamment ceux responsables de la protection du consommateur, de la santé, de la santé mentale et des dépendances. Il faut aussi consulter divers intéressés, notamment des auto-intervenants, des prestataires de services et des représentants des milieux de la santé et de la recherche et d’organisations œuvrant dans les secteurs de la publicité et des jeux de hasard qui, de l’avis du ministre, possèdent une expérience et une expertise pertinentes en ce qui concerne le jeu pathologique et la publicité sur les jeux de hasard comme facteur pouvant y contribuer. Il faut également consulter les communautés autochtones et les organisations dirigées par des Autochtones, ainsi que toute autre personne ou entité que le ministre estime indiquée.

Enfin, cette mesure législative s’adresse également au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC. Voici ce qu’on peut lire à l’article 6 du projet de loi S-269 :

Le [CRTC] procède à l’examen de ses règlements et politiques afin d’en évaluer la pertinence et l’efficacité pour réduire l’incidence des préjudices résultant de la prolifération de la publicité sur les paris sportifs.

Le CRTC doit remettre ses conclusions et ses recommandations au ministre au plus tard au premier anniversaire de la date de sanction royale de la présente loi. À son tour, le ministre :

[...] fait déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant la date de sa réception.

Honorables sénateurs, je dois admettre que ce cadre ne va pas aussi loin que je le voudrais; vous êtes d’ailleurs nombreux à me l’avoir dit. De prime abord, comme bien des Canadiens, je voulais que les publicités sur le jeu soient complètement interdites. Heureusement, nous vivons dans un pays où on ne peut pas faire taire quelqu’un parce que ce qu’il dit nous déplaît. La restriction des droits garantis par la Charte ne peut être considérée comme constitutionnelle que si elle se fait dans des limites raisonnables pouvant se justifier dans une société juste et démocratique.

Je rappelle aux sénateurs qu’il a fallu près de 20 ans de luttes judiciaires par les différents gouvernements, et de multiples tentatives législatives, pour adopter un cadre restreignant la publicité sur le tabac. Je n’irais pas jusqu’à m’imaginer que je peux accomplir la même chose au sujet de la publicité sur le jeu, ni même qu’il est raisonnable de le tenter.

Quoi qu’il en soit, le jeu est une question préoccupante et très concrète pour certaines personnes qui sont nécessairement exposées à ces publicités. Tout comme les restrictions qui s’appliquent à l’alcool, il devrait y avoir certaines limites quant à ce qui peut être dit ou fait dans ces publicités. Selon le Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées du CRTC, les messages publicitaires ne peuvent pas, par exemple :

tenter d’inciter les non-buveurs de tout âge à boire ou à acheter des boissons alcoolisées; […]

[...] contenir l’endossement, directement ou indirectement, d’une façon personnelle ou par implication, d’un produit par toute personne, tout personnage ou tout groupe qui est susceptible d’être un modèle de comportement pour les mineurs du fait d’une situation passée ou actuelle lui valant la confiance du public, d’une réalisation spéciale dans tout secteur d’activité, de ses liens avec des organismes de charité et/ou de ses activités de sensibilisation au profit des enfants, de sa réputation ou de son exposition dans les médias [...]

Et, en dernier lieu, pour appuyer mon propos, les messages publicitaires ne doivent pas :

[...] faire allusion aux sensations et à l’effet causés par l’alcool ni donner l’impression, par le comportement des personnes dépeintes dans le message, qu’elles sont sous l’influence de l’alcool [...]

Il y a beaucoup à apprendre.

L’industrie des paris sportifs affirme qu’elle prend les moyens raisonnables pour agir de façon responsable, évidemment. Dans une entrevue, le président et chef de la direction de la Canadian Gaming Association a répondu ce qui suit aux allégations que son industrie cible les mineurs :

[...] les entreprises du secteur des jeux ne ciblent pas les mineurs. Ce n’est pas une clientèle qui nous intéresse. De plus, l’industrie ne ménage pas ses efforts pour que la publicité respecte les normes réglementaires. Il existe déjà de normes pour encadrer le recours à des célébrités ou des athlètes, ce qui porte à croire que ces personnalités laissent les jeunes plutôt froids.

Chers collègues, à l’époque où ces propos ont été tenus, il y avait peu de normes en vigueur, voire aucune, sinon je ne serais pas en train de vous parler aujourd’hui. L’industrie pourrait très bien croire qu’elle prend les mesures appropriées, mais les recherches montrent que les athlètes et les célébrités attirent presque exclusivement les mineurs. Or, l’industrie choisit toujours d’avoir recours à eux.

En ce qui concerne la promotion des avantages des jeux d’argent — comme s’il y en avait —, l’industrie vous dira qu’elle ne fait pas d’affirmations qui encouragent le jeu. Il suffit de regarder une publicité pour les jeux d’argent pour voir que ce n’est pas vrai. Au contraire, malgré leur immense talent, j’ai beaucoup de mal à croire que Wayne Gretzky et Auston Matthews soient doués pour le jeu.

Sur ce dernier point, chers collègues, contrairement à la roulette ou aux billets de loterie, les paris sportifs donnent l’illusion d’un contrôle sur le résultat. C’est la raison pour laquelle tous ceux qui ont regardé Sportsnet ou TSN dernièrement ont été bombardés d’informations sur les cotes de paris dans les segments de leur émission favorite. Les téléspectateurs se voient proposer des paris à ne pas manquer sur qui marquera le premier but ou le premier touché d’un match. Pourquoi les entreprises se priveraient-elles de promouvoir ce type de paris?

Rogers et Bell, qui possèdent respectivement Sportsnet et TSN, n’ont jamais caché le potentiel de revenus que représentent les paris sportifs, et elles ont soit conclu des partenariats avec des entreprises de jeux d’argent, soit créé leurs propres entreprises. Pour citer une offre d’emploi de Rogers datant de 2020 concernant le rôle du directeur des jeux sportifs :

C’est une occasion exceptionnelle d’être au cœur de la stratégie audacieuse de Rogers Media et de Sportsnet, qui vise à intégrer les paris sportifs à certains de nos principaux produits, et de nous aider à utiliser de nouvelles approches emballantes pour dialoguer avec les partisans.

Comme ces entreprises doivent rendre des comptes à leurs actionnaires, elles continueront d’encourager les Canadiens à perdre de l’argent au profit de cette industrie milliardaire. Seulement en Ontario, la Canadian Gaming Association estime que le marché des paris sportifs représente environ 1,4 milliard de dollars par année.

Chers collègues, vous remarquerez que les statistiques mentionnées dans cette recherche viennent surtout de l’Ontario. Ce n’est pas un hasard. Comme je l’ai dit au début de mes observations, le projet de loi C-218 a refilé cet enjeu aux provinces. Soulignons que, bien que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays soient inondés de publicités sur les paris, l’Ontario est la seule province à avoir ouvert la porte à des entreprises privées qui acceptent des paris. Ce fait est peu connu, chers collègues, ce qui crée une certaine confusion.

Selon un sondage récent, beaucoup de Canadiens de partout au pays croient que le gouvernement et les entreprises de paris privées sont autorisés à mener leurs activités dans leur province, y compris 39 % des Britanno-Colombiens, 27 % des habitants du Canada atlantique et 42 % des Albertains. Cette situation n’a pas échappé aux organismes de réglementation des provinces en question.

C’est également la raison pour laquelle je ne pense pas que les règlements récemment annoncés par la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, ou CAJO, changeront les choses autant qu’il le faudrait. En août, la CAJO a déclaré qu’à partir de février 2024, les célébrités et les athlètes ne seront plus autorisés à apparaître dans les publicités des entreprises de paris. Il s’agit bien sûr d’un pas dans la bonne direction, mais seulement d’un petit pas. Cela ne fait rien pour limiter le nombre considérable de publicités auxquelles les Canadiens sont exposés. On ne mentionne pas non plus les segments sur les paris qui sont présentés par des commentateurs bien connus, dont certains sont d’anciens athlètes.

Encore une fois, cela ne fera rien pour empêcher les publicités provenant de l’Ontario d’être diffusées dans d’autres provinces, ce qui constitue une grande partie du problème. En Alberta, par exemple, l’Alberta Gaming, Liquor and Cannabis Commission, ou AGLC, a explicitement déclaré :

À l’heure actuelle, les seuls paris sportifs légaux dans la province de l’Alberta sont ceux que nous offrons sur PlayAlberta.ca ou ceux qui sont offerts par Western Canada Lottery Sport Select.

Elle ajoute : « Il est illégal d’offrir aux Albertains des paris qui ne sont pas réglementés. »

Mais le fait est que les Canadiens en dehors de l’Ontario sont ciblés par ces publicités, et que l’on ne sera pas pénalisé pour avoir fait un pari auprès des entreprises concernées.

Selon le vice-président des jeux de hasard de l’Alberta Gaming and Liquor Commission, c’est entièrement la faute des organismes fédéraux et des radiodiffuseurs, qui diffusent des publicités pour des sites qui ne sont pas réglementés à l’extérieur de l’Ontario.

Il s’agit d’un problème national, chers collègues, qui nécessite une solution nationale. Voilà pourquoi je présente cette mesure législative aujourd’hui. Je pense que nous avons maintenant l’occasion — une occasion qui ne se présente qu’une fois par génération — de réglementer ce type de publicité dans l’ensemble du pays. Je suis encouragée par les mesures prises par l’Ontario pour réglementer ces publicités, mais un ensemble disparate de réglementations régionales ne permettra pas de protéger les Canadiens tant qu’une province appliquera des normes moins strictes qu’une autre.

(1710)

Comme je l’ai dit, le Canada interdit toute publicité pour le tabac et le cannabis et impose des restrictions à la promotion de l’alcool. Il est absurde que la promotion des jeux de hasard, qui ont ruiné et continueront de ruiner rapidement un nombre incalculable de vies, soit soumise à des normes moins strictes.

Un certain nombre d’experts nous ont dit que le flot continu de publicités risque de créer une génération de joueurs compulsifs, et je pense qu’il est temps que le gouvernement fédéral prenne les devants et collabore avec les provinces pour que tous les Canadiens bénéficient du même niveau de protection contre les effets coercitifs et corrosifs des publicités que nous voyons aujourd’hui, peu importe la province ou le territoire dans lequel ils vivent.

Honorables collègues, je ne vais pas m’étendre sur le sujet aujourd’hui, faute de temps, mais j’espère que le comité se penchera aussi sur le travail qui est fait ailleurs dans le monde et qui établit un lien direct entre la légalisation des paris sur une seule épreuve sportive, les effets potentiels de la publicité et la manipulation des compétitions. En effet, honorables sénateurs, de jeunes athlètes inexpérimentés — certains vivent peut-être près de chez vous — peuvent être manipulés afin d’entrer dans ce cycle de publicités et de paris. Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, ou CCES, s’est penché sur la question et travaille avec le milieu du sport pour veiller à ce que les athlètes canadiens ne soient pas victimes de cette pratique. Comme vous le savez sûrement, le CCES a notamment pour mandat de prendre des mesures pour prévenir la manipulation des compétitions sportives, notamment en ce qui concerne les paris. La publicité devient un aspect important de ce problème.

Je terminerai mon intervention en faisant quelques observations sur cette publicité et sur ce secteur. Lorsque j’ai voté en faveur de la légalisation des paris sur une seule épreuve sportive, je l’ai fait avec le cœur lourd. Étant donné que cette pratique existait déjà, j’ai pensé qu’il serait judicieux de la légaliser afin d’en éliminer les aspects criminels et étrangers. Je pensais qu’il valait mieux que les Canadiens fassent leurs paris auprès de sociétés canadiennes qui respectent la loi canadienne. Bien que j’en sois toujours convaincue, ce n’est pas parce que j’ai voté en faveur de la légalisation de cette industrie que je dois nécessairement approuver ses pratiques. Je n’avais pas imaginé l’ampleur de la vague de publicité qui en découlerait.

Plus que jamais, les Canadiens sont incités à prendre des risques financiers lorsqu’ils ne font que s’asseoir dans leur salon pour regarder leur sport préféré. Il ne s’agit pas non plus d’un film ou d’un jeu vidéo pour lequel on paie un montant fixe pour se divertir. Après tout, ce n’est pas pour rien qu’on dit que la maison finit toujours par gagner. Sinon, pourquoi ces entreprises dépenseraient‑elles des milliards de dollars dans des campagnes publicitaires si elles n’avaient pas l’intention de les rentabiliser aux dépens des Canadiens? Ce ne sont pas les joueurs responsables qui souhaitent rendre une partie ennuyeuse un peu plus intéressante qui rapportent à ces entreprises; ce sont les joueurs compulsifs, qui ne cessent de parier dans l’espoir de gagner.

Ces pratiques détruisent des vies. C’est une industrie qui est foncièrement prédatrice. Je pense donc qu’il est raisonnable de lui d’imposer des limites. Agissons maintenant afin de ne pas avoir à le regretter, comme ceux qui ont fait un mauvais pari. Je vous remercie. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Denise Batters : La sénatrice Deacon accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice M. Deacon : Bien sûr.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup d’avoir prononcé un discours exhaustif et d’avoir soulevé cette question importante. Je pense que c’est un sujet qui préoccupe beaucoup d’entre nous, sans compter le barrage de publicités, comme vous l’avez décrit, qui est constant ces derniers mois.

Je m’interrogeais sur la situation en Ontario parce que j’ai lu un peu sur le sujet et parce que vous en avez parlé brièvement. Pourriez-vous expliquer la différence entre ce que le gouvernement de l’Ontario propose de faire au moyen des règlements limitatifs qu’il a annoncés à la fin du mois dernier et ce que votre projet de loi ferait? Merci.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre question, sénatrice Batters.

Depuis plusieurs mois, la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario affirme qu’elle veut reprendre le contrôle de la situation, qu’elle n’apprécie pas ce qui se passe en Ontario. Elle a fixé une date l’année prochaine, en février, et elle examine certaines solutions. L’une d’elles serait de s’assurer que les célébrités ne soient plus employées à l’écran. Il y a des critères pour définir ce qu’on entend par célébrité.

Parmi les autres solutions qui sont envisagées, mais pas autant que ce dont il est question dans le projet de loi à l’étude, il y a deux choses que l’Ontario étudie : le « qui » et le « quoi ». Le « qui » se rapporte à la volonté de s’assurer que, peu importe si on vit à Tuktoyaktuk, à Prince Rupert ou à Halifax, la norme soit la même et les attentes soient claires, soit une mesure qui s’applique à l’échelle nationale. D’autres solutions encore concernent le moment de la journée. Dans certains pays, il y a la règle du cinq avant et du cinq après, qui interdit la publicité cinq minutes avant un événement et cinq minutes après, une mesure que pourrait aussi adopter le Canada.

Il existe beaucoup de solutions qui n’ont pas été envisagées dans ce que propose l’Ontario, mais qui pourraient faire partie d’un cadre national qui resserrerait les règles. Il n’est pas question d’interdire les paris; nous étudions ce qui serait raisonnable pour resserrer les règles dans tout le pays en matière de publicité. Merci.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Oui.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie pour la présentation de votre projet de loi; je trouve que c’est un sujet très intéressant.

[Traduction]

J’ai lu le projet de loi tandis que vous prononciez votre discours. J’essaie de comprendre de quelle compétence fédérale cela relève. S’agit-il du droit pénal? Cela relève-t-il du pouvoir de réglementer le CRTC et la radiodiffusion? Ou s’agit-il d’autre chose? Ce n’est pas clair dans mon esprit. Merci beaucoup.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de la question, sénateur Dalphond.

Le cadre national relèverait du ministre du Patrimoine canadien. Si vous consultez le projet de loi, comme vous dites être en train de le faire, vous constaterez que du travail sera également fait avec le CRTC et d’autres partenaires.

Je ne pourrais deviner. Je n’ai pas de boule de cristal pour me dire dans quelle mesure on recommandera le cadre dans une province ou un territoire, mais ce sont là les deux aspects importants sur lesquels je m’attarde dans le projet de loi.

Le sénateur Dalphond : Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Septième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénateur Yussuff, tendant à l’adoption du septième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Prévisions budgétaires du Sénat pour 2023-2024, présenté au Sénat le 7 février 2023.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je constate que cette motion en est à son 15e jour. Je propose l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1720)

[Français]

Le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Dasko, attirant l’attention du Sénat sur le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Il est de bon ton de répéter que les débats électoraux renforcent la démocratie.

Selon moi, toutefois, la preuve de cette vertu n’a pas été faite. Ces dernières années, on a souvent entendu le contraire, soit que les débats ont été des moments pénibles, susceptibles de décourager, voire de démoraliser les électeurs.

Les politologues et spécialistes débattent depuis longtemps de l’importance des débats sur les choix des électeurs, essentiellement parce que l’effet réel de ces débats est très difficile à mesurer.

Selon André Blais, professeur émérite de science politique à l’Université de Montréal, un débat des chefs donne une occasion unique aux électeurs de comparer sans filtre les positions de chacun sur deux ou trois enjeux. Il a noté également que l’exercice a tendance à avantager les chefs de petits partis, qui se font ainsi mieux connaître.

Selon Christian Bourque, vice-président de la firme de sondage Léger, et Allison Harell, professeure de science politique à l’UQAM, les débats font rarement changer d’opinion, mais ils confortent les électeurs dans leurs convictions.

Christian Bourque rappelle par ailleurs que la moitié des répondants qui se prononcent sur les débats ne les ont même pas regardés, et qu’ils se fient plutôt sur la couverture de presse.

Le professeur Peter Loewen, de l’Université de Toronto, juge qu’on exagère l’importance de ces confrontations, même s’il est d’avis que les débats représentent souvent l’événement le plus informatif d’une campagne.

Des voix plus critiques avancent toutefois que les débats servent d’abord les intérêts des partis politiques et des diffuseurs télé, en ignorant les souhaits des électeurs.

Les partis politiques insistent pour imposer les thèmes, le calendrier et les formats qui les avantagent et qui leur permettent de « passer leurs lignes » sans mauvaises surprises.

Les médias, pour leur part, cherchent à mettre en vedette leurs journalistes et à « faire un bon show », notamment en proposant des questions-chocs et en adoptant une attitude de confrontation.

On peut croire que le public ne se retrouve pas toujours dans le résultat, qui ressemble la plupart du temps à un festival de chicanes partisanes sur des enjeux qui n’intéressent qu’une bulle médiatique et politique.

En tout cas, ni les élections ni les débats ne semblent parvenir à freiner la désillusion de plus en plus grande des citoyens. Nous assistons en effet à une perte de confiance inquiétante des citoyens envers leurs institutions démocratiques. Les taux de participation électorale étaient d’un peu plus de 70 % dans les années 1980; 40 ans plus tard, ils ont chuté de 10 points de pourcentage, soit à 62,6 % lors de la dernière élection fédérale. La tendance à la baisse est donc très nette.

Pendant mes 25 ans de journalisme, j’ai analysé, couvert et vérifié les faits avancés par les candidats dans les débats électoraux.

J’ai constaté que les échanges sont de plus en plus formatés et que les chefs de partis se préparent pendant des jours pour avoir des réponses toutes faites qui évitent les pièges de la spontanéité. Ils s’en tiennent rigoureusement aux lignes de communication qui, de l’avis de leurs stratèges, pourront devenir virales et leur faire gagner des votes.

En fait, les débats télévisés ne servent pas tant à présenter et à expliquer des propositions politiques qu’à évaluer la performance de politiciens sous pression. Les coups de gueule, les gaffes et les attaques font la manchette. C’est certainement de l’information‑spectacle, où la substance et la réflexion sont reléguées à l’arrière‑plan.

[Traduction]

Il y a eu des tentatives pour que les citoyens participent plus étroitement dans les débats en ajoutant un public et en laissant quelques électeurs poser leurs questions directement. Cependant, les résultats sont quelque peu artificiels. Tout est préparé et minuté. Nous sommes loin d’une participation réelle où les électeurs auraient un vrai rôle à jouer.

Quoi qu’on en pense, les débats des chefs font partie de la tradition politique canadienne depuis 1968. Cependant, une crise a éclaté en 2015 lorsque, pour la première fois, le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, a refusé de participer au débat en anglais. Cette décision a choqué le Canada anglais, mais moins le Québec, où le chef conservateur a accepté de participer à deux débats en français.

C’est là qu’est née l’idée d’une commission. Cette dernière a été mise sur pied par le gouvernement Trudeau dans le but explicite d’empêcher une répétition du scénario de 2015, quand les Canadiens anglais avaient été privés d’un débat important.

Le commissaire à temps partiel, nommé par le premier ministre et soutenu par une petite équipe, n’a eu que deux élections — en 2019 et 2021 — pour démontrer l’utilité de la commission. Or, jusqu’à présent, les résultats ne sont pas encourageants.

À l’automne 2021, les membres du groupe de radiodiffusion des médias anglophones ont défini le format de cette manière : un modérateur, quatre journalistes et quelques citoyens participant de chez eux. Selon plusieurs observateurs, le débat a toutefois été un fiasco : on avait prévu trop de questions, trop peu de temps pour y répondre et trop peu d’interactions directes entre les chefs. De plus, l’animatrice s’est montrée trop stricte pour ce qui est du temps alloué et, par-dessus tout, une question insinuant que les projets de loi 21 et 96 du Québec étaient foncièrement racistes s’est avérée mal formulée et accusatrice à l’égard du chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Il s’agissait d’une question tellement explosive que, selon Christian Bourque, elle a carrément contribué à sauver la campagne du Bloc québécois.

Du côté francophone, le débat a été plus réussi, mais le trop grand nombre de personnes sur la scène — six journalistes et cinq candidats — a limité les débats.

Conformément au mandat qui lui a été confié en 2021, la commission devait avaliser le format du débat des chefs, mais au bout du compte, elle ne s’est prononcée sur rien, prétendument par manque de temps. La seule chose qu’elle a réussi à faire, et pour laquelle elle s’est fait remarquer, c’est d’avoir assuré la traduction des débats en 16 langues.

Dans son rapport, la commission a conclu ceci :

Il est généralement admis que les débats de 2021 n’ont pas réussi, dans la mesure attendue, à informer les électeurs sur les politiques des différents partis.

[Français]

Malgré ce fiasco et des consultations élargies, la Commission des débats des chefs conclut qu’elle doit devenir permanente, plutôt que d’avoir des mandats renouvelables, et qu’elle devrait disposer de pouvoirs élargis, dont le choix final du modérateur. La nomination du commissaire devrait également être approuvée par les partis et la Chambre pour éviter toute apparence de partialité.

Pour sa part, le professeur André Blais croit que les chefs de partis n’oseront pas refuser de participer à un débat si la demande vient d’une commission institutionnelle.

Il est vrai que les médias ne font pas toujours la différence entre leur propre visibilité, celle de leurs journalistes-vedettes et l’intérêt public, afin de mettre de l’avant un débat qui serait le plus utile possible pour les électeurs. Pour cette raison, les partisans d’une commission permanente jugent que des experts neutres et détachés seraient mieux placés que des journalistes pour établir les règles et le format du débat.

Personnellement, je suis loin d’être convaincue que pérenniser cette commission soit la meilleure solution aux nombreux maux affligeant nos débats. Ce n’est pas la voie que la plupart des autres pays ont choisie. Je crains aussi qu’une commission administrative manque d’agilité, alors que l’organisation de débats, en pleine campagne électorale, exige d’agir et de trancher rapidement.

Même si le Canada se dote d’une commission permanente, les médias seront toujours les diffuseurs et auront toujours, à ce titre, leur mot à dire sur les modalités de l’événement. Ajouter un joueur de plus risque de complexifier et de ralentir le processus décisionnel.

Il existe tout de même une saine concurrence entre les médias qui favorise l’émergence de divers types de formats, et ce, sans l’intervention d’une institution étatique.

Du côté québécois, le réseau TVA a décidé depuis 2015 d’organiser son propre débat des chefs en proposant un format plus simple, avec un seul animateur et quatre chefs au maximum, qui se font face afin que chacun puisse débattre avec tous les autres.

Finalement, il faut garder en tête que les débats télévisés ne sont qu’une des activités d’une campagne. Les entrevues individuelles des chefs, la multiplication des plateformes et des formats possibles contribuent à la diffusion d’informations utiles. On observe une baisse de plus de 50 % de l’écoute de la télévision chez les 18-34 ans, mais cette génération représente plus du tiers de l’écoute de balados.

(1730)

Pour toutes ces raisons, je ne crois pas qu’il soit utile de pérenniser la commission des débats électoraux.

On peut d’emblée douter de la valeur de ces débats pour la santé de démocratie canadienne, surtout quand on considère qu’à l’heure actuelle, ils sont conçus davantage pour favoriser les intérêts des partis politiques et des médias que ceux des électeurs.

Cela dit, même si on accorde une valeur à ces débats, rien n’indique que la commission a joué un rôle essentiel jusqu’à présent. Les débats dans lesquels elle a été impliquée n’ont pas été moins critiqués que les autres; au contraire.

Je suis personnellement d’avis que les médias sont capables de s’organiser entre eux — ou seuls — pour proposer des débats et expérimenter avec différents formats. L’implication d’une commission publique pourrait alourdir indûment un processus qui se doit d’être agile et efficace.

Je conclurai en disant que les failles bien réelles des débats électoraux perdront peut-être en importance à mesure que les plateformes innovent et se multiplient. Le format rigide, scripté et spectaculaire des débats pourra être complété par des entrevues intimistes en baladodiffusion, des discussions informelles sur d’autres plateformes et des rencontres organisées ou modérées par des intervenants de la société civile.

En somme, il faut espérer que la démocratie canadienne sera servie non pas par des débats électoraux réinventés, sous l’égide d’une commission publique, mais par la multitude de formats et d’échanges que permettent les nouvelles plateformes, où le public trouvera idéalement sa place. Merci.

[Traduction]

L’honorable Donna Dasko : La sénatrice Miville-Dechêne accepterait-elle de répondre à une question?

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Certainement.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Je vous remercie pour vos observations. Je les ai appréciées.

Vous dites avoir des doutes sur la pertinence d’une commission. Je ne crois pas avoir besoin de rappeler que les débats ont été houleux lors des deux campagnes qu’elle a chapeautées. Selon vous, est-ce qu’il devrait encore y avoir au moins un grand débat en français et un autre en anglais, et ces débats devraient-ils être diffusés à la fois à la télévision et en ligne? Car il n’y a pas que la télévision qui compte désormais, il faut aussi penser à Internet. S’agit-il d’un élément déterminant pour les campagnes à venir, selon vous, ou pas vraiment?

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne pense pas, comme d’autres, que c’est l’événement le plus important de la campagne électorale. Tout indique que ce n’est pas vraiment un débat qui modifie l’opinion des électeurs. Cela dit, c’est une activité. Si les diffuseurs sont capables de l’organiser et de s’entendre, tant mieux. Je crois qu’eux-mêmes savent, après le fiasco de 2021, que le fait d’avoir cinq ou six journalistes modérateurs n’est pas une bonne idée. Peut-être reviendra-t-on à des formats plus simples, d’autant plus que les diffuseurs privés ont moins d’argent et doivent affronter une crise du journalisme en général.

Du côté francophone, le plus grand diffuseur privé a quitté et a dit à Radio-Canada : « On ne veut pas travailler avec vous; on va faire notre propre débat. » Au Québec, nous sommes très bien servis. Nous avons un débat un peu plus formel, soit celui de Radio‑Canada avec quelques autres petits médias, et nous avons un débat dans le secteur privé qui est davantage un débat avec un modérateur et des échanges. Certains disent que c’est quelque peu cacophonique, mais en même temps, cela ajoute de la diversité. En fait, après avoir longuement réfléchi à la question, sénatrice Dasko — parce que vous m’aviez demandé de me prononcer sur cette question —, en ces temps où l’on a énormément besoin de services publics pour aider la population, je crois que le fait d’investir dans une commission de débats électoraux, alors que tous les médias sont en train de changer, est un mauvais investissement.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le centième anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Woo, attirant l’attention du Sénat sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois, sur les contributions que les Canadiens d’origine chinoise ont apportées à notre pays et sur la nécessité de combattre les formes contemporaines d’exclusion et de discrimination auxquelles sont confrontés les Canadiens d’origine asiatique.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation du sénateur Woo, dont l’objectif est double. Premièrement, elle nous invite à célébrer l’apport inestimable des Canadiens d’origine chinoise à notre pays. Deuxièmement, elle nous invite à réfléchir aux préjugés, à l’exclusion et à la discrimination auxquels les Canadiens d’origine asiatique sont confrontés. Si nous célébrons aujourd’hui la remarquable contribution des Canadiens d’origine chinoise, nous ne pouvons ignorer la réalité historique et les préjugés qui perdurent encore aujourd’hui.

Bien que des progrès considérables aient été accomplis, il reste encore beaucoup à faire. Nous devons profiter de cette occasion non seulement pour nous réjouir, mais aussi pour réfléchir et agir. Les Canadiens d’origine chinoise ont laissé une marque indélébile sur l’histoire de notre pays. Ils ont contribué à l’essor du Canada dans tous les secteurs de notre société, que ce soit à titre de travailleurs ou d’entrepreneurs, ou bien dans les milieux de la culture, de l’enseignement, du sport ou de la politique.

Certains d’entre vous ignorent peut-être qu’en 1788, des Chinois ont participé à l’expédition du capitaine John Meares qui a débarqué sur le territoire des Nuu-chah-nulth pour y établir la première colonie non autochtone permanente sur le territoire de l’actuelle Colombie-Britannique, 79 ans avant la fondation du Canada et 83 ans avant que la Colombie-Britannique ne se joigne à la Confédération.

Malheureusement, les discours anti-Chinois sont devenus partie intégrante d’une idéologie politique raciste qui, en 1871, a contribué à priver les non-Blancs du droit de vote, y compris les Chinois et les « Indiens ». Cette mesure a été accompagnée de nombreuses autres formes de discrimination raciale contre les Canadiens d’origine chinoise, dont la ségrégation forcée, tant dans la vie que dans la mort. Par exemple, selon les documents d’inhumation du cimetière de la baie Ross à Victoria, les Chinois étaient enterrés dans un bloc spécial réservé aux « Aborigènes et aux Mongols ». Le premier Chinois enterré dans ce bloc a été inscrit sur la liste sous le nom de « Chinaman no 1 », le deuxième sous le nom de « Chinaman no 2 » et ainsi de suite.

Motivé par cette idéologie politique raciste, le gouvernement fédéral a mis en œuvre la Loi de l’immigration chinoise de 1885. Cette loi impose une « taxe d’entrée » de 50 $ à chaque Chinois qui entre au Canada. Seules six catégories de personnes sont exemptées : les diplomates, les membres du clergé, les commerçants, les étudiants, les touristes et les hommes de science. L’objectif de la taxe d’entrée était de décourager les Chinois de venir au Canada.

En 1901, on a haussé la taxe à 100 $, puis, en 1903, elle a été haussée de nouveau à 500 $, soit l’équivalent de deux années de salaire pour un ouvrier. Malgré la lourde taxe, des migrants chinois ont continué de venir. Selon le site Web du gouvernement de la Colombie-Britannique, aucun autre groupe d’immigrants dans l’histoire de la Colombie-Britannique n’a souffert aussi longtemps de mauvais traitement autorisés de manière aussi officielle à l’égard des membres de sa communauté. Pendant la période où la taxe d’entrée était en vigueur, soit de 1885 à 1923, plus de 97 000 immigrants chinois qui cherchaient à améliorer leur sort sont quand même venus au Canada et ont contribué à bâtir la société britanno‑colombienne et canadienne.

Bien des Canadiens sont probablement au courant de l’exploitation des ouvriers chinois qui, dans les années 1880, ont contribué à la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique dans l’Ouest. Les deux tiers de ces travailleurs des chemins de fer étaient des Canadiens d’origine chinoise qu’on faisait venir de Chine et de Californie par bateau et qui travaillaient le plus souvent sur les chantiers les plus dangereux. Ils étaient payés 1 $ par jour et ils devaient payer leur nourriture et leur équipement, alors que les travailleurs blancs touchaient un salaire quotidien de 1,50 $ à 2,50 $ et n’avaient pas à payer pour leurs provisions. C’est aux travailleurs chinois que l’on confiait les travaux de construction les plus dangereux. Des centaines sont morts d’un accident, de maladie ou de malnutrition.

Leur contribution a été immortalisée dans la musique folk canadienne. Dans sa chanson classique intitulée Canadian Railroad Trilogy, notre troubadour, Gordon Lightfoot, chante ceci :

Les ouvriers du chemin de fer, c’est nous

Sous un soleil de plomb, on joue du marteau

On boit du mauvais whiskey, on se nourrit de ragoût

À longueur de journée, on se casse le dos

(1740)

Alors que le chemin de fer n’aurait pas pu être construit sans eux, tous les travailleurs sino-canadiens ont été écartés de la célébration finale avant que soit prise la photo emblématique — nous l’avons tous vue — de la pose du dernier crampon symbolique. C’est comme s’ils n’avaient jamais existé.

C’est dans cette perspective historique raciste que le gouvernement du Canada a introduit, le 1er juillet 1923, une nouvelle loi sur l’immigration chinoise, communément appelée Loi d’exclusion des Chinois, afin de mettre un terme à l’immigration chinoise au Canada. Cette loi a perduré pendant près d’un quart de siècle.

Elle a finalement été abrogée en 1947, après que les Canadiens d’origine chinoise se sont distingués en combattant et en mourant pour le Canada pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils sont morts, soit dit en passant, pour protéger le mode de vie d’un pays qui leur avait refusé une vie dans le respect des droits de la personne.

Le sénateur Woo nous a rappelé avec clarté et éloquence certains des discours prononcés en faveur de cette loi par nos prédécesseurs dans cette enceinte.

Ces opinions, exprimées par nos collègues d’autrefois, marquent un moment sombre de notre histoire et devraient nous inciter à dire « plus jamais ».

Nous devons reconnaître ce douloureux legs et en tirer des leçons, en veillant à ce qu’une telle injustice ne se reproduise plus jamais à l’égard de qui que ce soit.

Malheureusement, malgré les progrès accomplis, des formes contemporaines de préjugés et d’exclusion persistent. Les Canadiens d’origine asiatique continuent d’être victimes de discrimination, de préjugés et d’obstacles systémiques qui entravent leur pleine intégration et leur participation équitable à notre société. Il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de relever ces défis et d’œuvrer à l’avènement d’un Canada plus inclusif et plus juste.

Pour ce faire, les Canadiens doivent donner la priorité à l’éducation et à l’élargissement de notre conscience historique commune. En enseignant les contributions et l’histoire des différentes communautés, y compris des Canadiens d’origine chinoise, nous pouvons contribuer à favoriser l’empathie, la compréhension et le respect de tous les Canadiens, entre tous les Canadiens. Nos écoles doivent être des lieux où la richesse de l’ensemble de notre patrimoine est célébrée, où les stéréotypes sont démantelés et où les générations futures peuvent apprendre les nombreux traits importants que nous avons tous en commun.

En tant que législateurs, nous avons la possibilité de renforcer nos lois, nos politiques et nos institutions afin de progresser vers l’éradication de la discrimination sous toutes ses formes.

Dans cette enceinte même, c’est en reconnaissant et en abordant nos préjugés inconscients, en faisant la promotion de la diversité dans nos postes de direction et en créant des espaces respectueux et inclusifs que nous pouvons contribuer à bâtir un Canada où ceux que vous aimez, l’endroit d’où vous venez, la couleur de votre peau, ou tout autre facteur qui peut être utilisé pour refuser une participation pleine et entière à notre société, sont considérés comme non pertinents.

Assurons-nous, dans cette enceinte, de faire preuve de la bienveillance, de la compassion et du respect mutuels que tous les habitants des quatre coins du pays méritent.

Honorables sénateurs, l’interpellation du sénateur Woo est un rappel émouvant des contributions inestimables des Canadiens d’origine chinoise tout au long de notre histoire. Elle nous exhorte également à affronter les préjugés tenaces auxquels sont confrontés les Canadiens d’origine chinoise, en étant conscients du contexte historique marqué par l’adoption de la Loi d’exclusion des Chinois il y a un siècle. Unissons-nous pour célébrer les contributions, pour nous souvenir et pour nous engager à bâtir un Canada où la diversité est chérie, l’égalité est protégée et chacun peut s’épanouir.

Chers collègues, le Canada a été façonné par des mains de toutes les couleurs, et notre hymne est entonné par des voix aux multiples accents. Toute cette diversité est une source de richesse.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. Engageons-nous à travailler ensemble pour créer un Canada plus inclusif et plus équitable, où l’exclusion et la discrimination n’ont pas leur place, alors que nous honorons les contributions de tous les Canadiens, d’hier et d’aujourd’hui. Engageons-nous à le faire ici, au Sénat. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’impact du paragraphe 268(3) du Code criminel—Ajournement du débat

L’honorable Frances Lankin, conformément au préavis donné le 20 juin 2022, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’impact du paragraphe 268(3) du Code criminel, promulgué en 1997, y compris mais sans s’y limiter :

a)les raisons pour lesquelles il n’y a pas eu de poursuites au titre de cette disposition depuis sa promulgation il y a 25 ans;

b)la mesure dans laquelle les mutilations génitales féminines sont actuellement pratiquées au Canada et sur les jeunes filles canadiennes emmenées à l’étranger pour de telles procédures;

Que le comité formule des recommandations, le cas échéant, pour s’assurer que la disposition du Code criminel ait l’effet souhaité, soit de mettre fin à de tels crimes perpétrés contre les filles au Canada;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2023, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

 — Honorables sénateurs, je demande que le débat soit ajourné pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Lankin, le débat est ajourné.)

(À 17 h 47, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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